Messe du 16e dimanche ordinaire

 

Mgr Joseph Roduit, à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, VS, le 23 juillet 2006
Lectures bibliques : Jérémie 23, 1-6; Ephésiens 2, 13-18; Marc 6, 30-34 – Année B

Ne piétinez pas le pâturage, ne troublez pas la source.

Chers pèlerins, chères auditrices, chers auditeurs, chers malades,

L’évangile de ce jour nous dit que Jésus se rend à l’écart avec ses disciples pour se reposer un peu. « En débarquant il vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors il se mit à les instruire longuement ».

N’ayez crainte, même si vous êtes venus un peu à l’écart au Grand-Saint-Bernard, je ne vais pas vous instruire longuement ! Mais j’aimerais simplement commenter pour vous, quelques paroles de la liturgie de ce dimanche, en regard du thème de notre pèlerinage : « Choisis la vie ».

Dans son sermon sur les brebis, saint Augustin dit : « Nous sommes les brebis de Dieu ». Citant le psaume, il rappelle : « C’est lui le Seigneur notre Dieu, c’est lui qui nous a faits. Il est notre Dieu. Nous sommes le peuple de son pâturage, les brebis guidées par sa main. »

Et saint Augustin de commenter : « Veillons, mes frères, non seulement à bien vivre, mais aussi à bien nous comporter devant les hommes…. En broutant une herbe fraîche et en buvant une eau pure, ne risquons pas de piétiner le pâturage de Dieu, si bien que les brebis les plus faibles auraient à brouter un pâturage piétiné et à boire une eau troublée. »

Les pâturages piétinés et les sources troublées

Nous qui avons eu la chance de parcourir des pâturages bien entretenus en haute montagne, nous avons pu apprécier la pureté de l’air, la senteur des fleurs alpestres et leurs parfums caractéristiques. Apprécions d’être venus à l’écart nous reposer un peu du bruit des villes et de leurs concerts bruyants, de leur circulation incessante et de leurs émanations nocives.

Jésus demande de se mettre un peu à l’écart pour se reposer. Ce repos bienvenu doit permettre de relire les évènements. C’est peut-être là un des sens du mot religion, selon une étymologie admise: non seulement ce qui nous relie (religare), mais ce qui nous permet de relire les évènements avec un autre regard (religere). Dans ce sens la prière, n’est-ce pas ce moment où on se met à l’écart pour passer en revue son vécu journalier. Ce ne sont pas des distractions dans la prière que de penser à ce que nous vivons. Bien au contraire, la prière peut être ce moment privilégié où je relis les évènements avec un autre regard : celui de l’évangile, celui de Dieu.

Le sens du pèlerinage, choisir la vie
C’est un des sens des pèlerinages. Le pèlerin s’engage dans une marche extérieure qui est surtout une démarche intérieure. Le plus beau pèlerinage n’est-ce ce pas celui que l’on fait de la tête jusqu’à son cœur ? Si nous sommes montés jusqu’à cet hospice c’est pour voir les personnes, les évènements, les choses avec un regard autre à notre retour. Et ce pèlerinage de la tête jusqu’au cœur, les malades le font aussi sur leur lit de souffrance.

C’est dans ces moments d’arrêt et de réflexion que la vie prend un autre sens. Tant pour le malade que pour le pèlerin. Le thème choisi pour cette montée au Grand-Saint-Bernard engage à des choix à partir de la réflexion : « Choisis la vie ». Déjà Moïse mettait le peuple hébreu devant ce choix. Il ne semble pourtant pas si difficile de choisir entre la vie et la mort, le bien et le mal, l’amour et la haine, le pardon et les représailles, la négociation et la violence, la réconciliation et la rancune!

En théorie, c’est assez facile. C’est dans la pratique que se vérifient les bons choix. Nous en faisons tous l’expérience quotidienne et nous savons que c’est d’abord dans son cœur, dans sa famille, dans son couple, dans son entourage qu’il faut bâtir la paix. Car sans la paix, la vie est trop difficile. Choisir la vie c’est aussi choisir la paix en soi et autour de soi. C’est l’homme intérieur que Dieu veut bâtir en chacun de nous qui peut apporter la vie et la paix autour de soi. Saint Paul l’a rappelé : « Le Christ est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix ».
Choisir la vie dès l’enfance
Dans une civilisation de mort, on a besoin de redécouvrir l’évangile de la vie. De l’enfant qui va naître jusqu’à la personne âgée qu’on accompagne sur le chemin de l’éternité.

Dans un monde où l’innocence de l’enfance est bafouée, on a envie de crier : Arrêtez ! Protégez la vie ! La vie du corps sans doute, la vie de l’âme assurément. La vie spirituelle à coup sûr, car c’est ce que chacun a de plus précieux. C’est la vie spirituelle qui peut seule répondre à la question qui suis-je ? Toutes les dimensions psycho-affectives, faites d’hérédité, d’éducation, d’événements vécus, de blessures infligées dès l’enfance, tout cela fait partie de notre être. Mais seul un regard plus profond, comme de l’intérieur peut permettre d’assumer son vécu tel qu’il a été et non seulement comme on voudrait qu’il fut.
Respecter le pâturage et la source.
Nous avons le droit avec saint Augusitn de crier : « Ne piétinez pas le pâturage de nos vies, ne troublez les sources de nos enfances. »

Les enfants ne sont pas des adultes en miniature. Ils ne doivent pas tout voir, tout entendre, tout savoir. Il y a une progression à vivre en fonction des capacités affectives, intellectuelles et morales. Trop souvent, les adultes imposent aux enfants des situations insoutenables à leur âge.

La vie de l’enfant a besoin de sécurité sinon de protection. Sa vie a besoin d’une famille attentive sinon unie.Trop de vies d’enfants sont comme ces pâturages piétinés dont parle saint Augustin. La pureté de leur source intérieure est troublée par des attitudes irresponsables d’adultes inconscients. Le prophète Jérémie dénonçait déjà les faux prophètes, prêtant au Seigneur ces paroles : « Misérables bergers , qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage ».

Il y a une vraie perte de civilisation aujourd’hui et nous les chrétiens n’avons pas déserter le poste de vigilance qui nous a été confié. L’évangile se vit au quotidien. Oui, rappelons-nous cette phrase de saint Augustin :

En broutant une herbe fraîche et en buvant une eau pure, ne risquons pas de piétiner le pâturage de Dieu, si bien que les brebis les plus faibles auraient à brouter un pâturage piétiné et à boire une eau troublée. » Nos enfants sont particulièrement concernés : offrons-leur des sources pures, des nourritures spirituelles et affectives saines.
Choisir la vie avec Mère Térésa
Chacun de nous ici connaît sans doute l’enseignement de Mère Térésa de Calcutta sur la vie. Pour conclure, écoutons encore une fois quelques unes de ses maximes à ce sujet.

La vie est une chance, saisis-la. La vie est beauté, admire-la.
La vie est béatitude, savoure-la. La vie est un défi, fais-lui face.
La vie est un devoir, accomplis-le. La vie est précieuse, prends-en soin.
La vie est une richesse, conserve-la. La vie est amour, aime-la.
La vie est une aventure, ose-la. La vie est bonheur, mérite-le.
La vie est une hymne, chante-la. La vie est un combat, prends-la à bras le corps.
La vie est la vie, défends-la.

Amen.

 

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