Messe du 16e dimanche ordinaire

Abbé Michel Pillonel, à la paroisse du Sacré-Coeur, Montreux , le 20 juillet 2003.

Lectures bibliques : Jérémie 23, 1-6; Ephésiens 2, 13-18; Marc 6, 30-34

Chers frères et soeurs,
Chers amis,

 

Pour comprendre l’engouement que provoque le Festival de Jazz de Montreux et dans une moindre celui des Nuits du jazz de Chernex, il suffit de se promener en fin de journée sur les quais. Dans un cadre unique, lac et montagne se confondant, des gens arrivent par milliers et se plongent durant le temps d’une soirée, dans un dépaysement complet.

 

Cette foule composite, formée de personnes de toute provenance, de toutes conditions sociales et de tous âges, vient se ressourcer aux sons d’une musique qui exprime originellement avec force, ce qu’on vécu les Noirs américains, quand ils étaient encore des esclaves.

 

Parfois, un prédicateur itinérant ou de jeunes chanteurs expriment leur foi en plein air, certains s’arrêtent, mais la plupart des promeneurs continuent leur chemin, un peu gênés comme s’ils étaient dérangés par une interpellation trop directe sur leur vie de foi ou de non-foi.

 

Les foules ne sont jamais les mêmes, ni celles de Galilée, ni celles de Montreux. Pourtant, elles ont toutes en commun ce besoin de ressentir des émotions, d’entendre un message. A Montreux, on viendra écouter un Michel Jonazs ou un Tony Benett,ou alors tout simplement, se laisser bercer par la musique d’un ensemble du festival Off. En Galilée, c’est bien sûr Jésus et ses disciples, qui retenaient l’attention des foules. Elles aussi, elles avaient besoin d’entendre un message d’espoir.

 

Ce matin, dans notre église, ce n’est certes pas la foule qui se presse, l’heure est matinale pour les festivaliers, mais avec vous, chers auditeurs, nous formons une vaste communauté chrétienne, rassemblée grâce aux ondes, une foule de croyants qui prend au sérieux les appels du Christ, se laissant interroger et peut-être même, bousculer.

 

Il y a quelques semaines, lors d’un voyage à Rome avec des jeunes confirmés, l’un d’entre eux, qui me voyait envoyer un SMS, m’a posé à brûle-pourpoint cette question : Dites, Monsieur, ce n’est pas trop difficile à votre âge de manipuler votre natel ? Ce jeune garçon visait juste : il faut sans cesse s’adapter, se renouveler, pour rester à la hauteur.

 

Il y a six mois environ, avec d’autres confrères de Suisse Romande, je vivais un recyclage après vingt ans de ministère. Nous avons pu faire le point sur notre vie d’homme et de prêtre, réfléchir à notre action pastorale, en bénéficiant de l’apport de psychologues, de théologiens, de journalistes bien en phase avec la réalité d’aujourd’hui, de ce monde à aimer et à rejoindre comme nous y invite sans cesse l’évangile. Cette halte enrichissante a permis de redynamiser un ministère qui ne peut jamais se contenter d’être minimaliste.

 

Chers amis, n’est-ce pas l’invitation du Christ aujourd’hui qui demande à ses disciples de se mettre à l’écart, dans un endroit désert et même de se reposer un peu. Le temps de la réflexion est nécessaire pour la mission .

 

Se retirer ce n’est pas donc un manque de charité, un manque de souci des autres. C’est au contraire nécessaire si nous voulons garder notre personnalité en résistant aux pressions de la masse. Il est capital, en effet, de nous soustraire à la foule pour nous retrouver nous-mêmes, pour refaire notre personnalité sans se laisser intoxiquer par les modes de pensées passagères.

 

Les actions de Jésus en Galilée sont toujours d’actualité. Son but était de réorienter ses auditeurs en voulant voir des hommes qui se tiennent debout, capables de penser et de décider par eux-mêmes.

 

D’ailleurs, comment regardons-nous les foules d’aujourd’hui autour de nous, comme celles par exemple des intermittents du spectacle en France, celles du G8, celles qui expriment leur colère devant la pauvreté grandissante, le chômage, la guerre, etc, comme les foules de Palestine et d’Afrique ? Comment réagissons-nous à tous ceux qui sont rejetés, exclus de notre société ?

 

Les regardons-nous simplement, distraitement, indifférent à ce qui leur arrive, ou bien avec un regard d’amitié fraternelle à l’exemple de Jésus ?

 

C’est l’occasion pour nous de réaliser le projet de Dieu: c’est-à-dire de rassembler tous les peuples, comme le précise saint Paul, en une communion fraternelle, malgré leur diversité. Sommes-nous donc prêts à nous engager à faire partie de groupes de soutien comme les cartons du coeur, à l’Acat, par exemple.

 

Notre rôle de chrétiens, c’est de créer des ponts, d’abattre les murs qui nous séparent, de jeter des passerelles vers les autres. Finalement, il dépend de nous que la terre devienne un peu moins chaque jour une vallée de larmes.

 

Chers amis, notre assemblée qui nous met en communion les uns avec les autres grâce aux ondes et avec le Seigneur, doit nous préparer à bâtir peu à peu cette communion fraternelle avec tout homme quel qu’il soit.

 

Un peu à l’image du festival de jazz qui a fermé ses portes cette nuit, qui a permis à des hommes et à des femmes de fraterniser, de vivre des moments d’exaltation exceptionnelle grâce à la musique, aux chants.

 

Que notre Eglise soit pour tous les hommes de notre temps, une communion ouverte et accueillante à tous.

 

Amen.

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