Messe du 15ème dimanche ordinaire

 

Abbé Jean-Jacques Martin, le 13 juillet 2008, à l’abbaye de Saint-Maurice
Lectures bibliques :
Isaïe 55,10-11; Romains 8, 18-23; Matthieu 13, 1-23 – Année A

Chers amis,

Nous le savons bien : s’il y a une personne qui sème des graines au printemps, elle est confiante de pouvoir récolter le moment venu, sauf bien entendu si les conditions météorologiques sont désastreuses.

Bien souvent, nous le savons bien également, nous profitons des richesses de la nature.

Mais, et encore là nous le savons, nous ne jetons pas que des graines en terre.

Nous semons, il est vrai, nous semons bien des actes de générosité, de tendresse, d’amour. Nous savons dire des paroles de consolation, des paroles d’encouragement, des paroles pour aider l’autre à rester debout…

Et nous sommes toujours agréablement surpris lorsque nous récoltons des fruits de ces actes de générosité ou de ces paroles d’encouragement.
Mais malheureusement nous mesurons aussi combien nos paroles peuvent tomber dans un cœur qui ne veut pas s’ouvrir à l’amitié, au partage.

Je me souviens de la parole de cette grand-maman qui me disait, à la sortie d’une célébration de la confirmation : « tous ces jeunes qui viennent d’être confirmés, on ne les reverra pas à l’église. Et, dans ma propre famille, mes petits enfants ne sont même pas baptisés ». Je me suis permis de répondre : « oui, c’est vrai, mais même s’ils ne viennent plus le dimanche, même si vos petits enfants ne sont pas baptisés, vous avez semé. Et ce qui est semé est semé. »

Il en va de même avec la Parole de Dieu. Si nous sommes là aujourd’hui dans cette basilique, si nous continuons d’écouter la retransmission de cette eucharistie, c’est certainement que la parole de Jésus a donné des fruits en nous.
Et nous pouvons aussi constater, dans le monde qui est le nôtre, dans notre société, des traces de l’Evangile grâce au souci de la justice et de la paix, grâce à l’efficacité des services sociaux, grâce aux programmes de réinsertion sociale, par exemple.

Pourtant force est de constater que bien des personnes qui sont attentives aux autres refusent d’entendre parler de leur action comme des réponses aux paroles de Jésus.

Et il suffit de constater que nos Eglises chrétiennes vivent depuis quelques décennies un affaiblissement du nombre de ses fidèles…
D’où la question que nous sommes en droit de nous poser :
« Est-ce que nous avons fait le nécessaire, est-ce que nous avons manqué à notre devoir de chrétien ? » Si la Parole semée en nous porte véritablement du fruit, où sont-ils visibles, ces fruits ?

Il nous est réconfortant de constater que les disciples de Jésus s’interrogent également : « Pourquoi un nombre plus grand de personnes ne suivent-ils pas Jésus, notre Maître, qui a bouleversé nos vies ? » Les disciples ont tout quitté, pourquoi pas d’autres ?

Et c’est là que Jésus leur répond en comparant sa Parole avec la semence.
La semence a tout ce qu’il faut en elle pour porter des fruits, mais elle doit naturellement tomber dans de la bonne terre…
Le semeur, je ne vous apprends rien, c’est Jésus. Et, comme le disait le prophète dans la première lecture que nous avons entendue, autant la neige et la pluie abreuvent la terre, autant la parole de Dieu agit au cœur du monde.

Qu’avons-nous donc à faire ? Notre mission de chrétiennes et de chrétiens, c’est d’être attentifs  à la terre et savoir accueillir ce qui pousse.

La terre, ce sont les personnes que nous rencontrons dans le monde qui est le nôtre. Nous devons nous adapter à ce qui fait le monde aujourd’hui.
Le Christ lui-même a su dépasser le passé pour dire sa Parole dans le monde qui était le sien : il a dénoncé des injustices, il s’est révolté contre les puissances, il s’est approché de celles et ceux qui étaient méprisés par les gens et la loi.

Lorsque nous voulons annoncer la Parole du Christ, est-ce que nous sommes prêts à nous ajuster aux personnes à qui nous adressons notre message ? En n’oubliant pas, à la suite de l’évangile de ce jour, que parfois les conditions sont difficiles, voire impossibles et que, de certains sols, il ne peut rien sortir…

En rejoignant les participants à la Semaine romande de musique et de liturgie, je me pose la question de savoir si nous n’avons pas tendance parfois à trop nous pencher sur le passé : ah, le temps de chorales paroissiales où il y avait du monde et puis, vous savez, on chantait tous les dimanches et les jours de fête… quelle époque idéale ! J’ai entendu cela cette semaine… avec dans les yeux et dans le cœur un regret qui ne donnait que peu de chance à l’avenir…

Aussi je nous pose aujourd’hui la question : sommes-nous prêts à accueillir une forme d’Eglise nouvelle et inattendue qui surgira de la Parole semée ?

Si nous répondons « oui », alors je vois trois conditions :

La première condition c’est de ne pas aller trop vite : vous vous souvenez toutes et tous, quand nous étions petits, on nous faisait planter des lentilles dans un petit pot de terre; avant, on  avait mis du coton et un peu d’eau pour que la graine puisse bien pousser. Et chaque matin et chaque soir j’allais regarder mes petites lentilles. Mais à force de voir si elles poussaient, elles ne poussaient plus du tout. Acceptons la lenteur, ou mieux, il nous faut accepter le temps de la patience.

La deuxième condition c’est d’accepter le silence. Un arbre qui pousse ne fait pas de bruit. Nous devons souvent accepter un silence qui peut nous désorienter… il y a quelque chose qui pousse. C’est le temps de l’espérance.

Et enfin, la troisième condition, c’est accepter d’accueillir ce qui vient et non pas forcément ce que nous aurions voulu voir. Car l’Eglise peut prendre un autre visage que celui que nous souhaitons : sommes-nous prêts à l’accueillir ce visage de l’Eglise qui peut-être nous dérange ? Sommes-nous prêts à l’accueillir et à l’aimer dans la foi ? C’est le temps de l’accueil.

Patience, espérance, accueil : « Ayons la foi en la parole du Christ. Laissons-nous transformer par celui qui vient à nouveau à nous en cette célébration, patiemment, sans bruit, confiants que nous saurons accueillir les fruits de son action » (Dans vie liturgique no 372).
Amen.

 

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