Messe du 15ème dimanche ordinaire

 

Mgr Paul Vollmar, évêque auxiliaire du diocèse de Coire, Abbaye de St-Maurice, VS, le 15 juillet 2007
Lectures bibliques :
Deutéronome 30, 10-14; Colossiens 1, 15-20; Luc, 10, 25-37 – Année C

« Il fut saisi de pitié » (Lc 10, 25-37)

Chers frères et sœurs,

« Il le vit et fut saisi de pitié » : c’est toute la différence entre le samaritain découvrant le blessé et ses deux devanciers sur le chemin, un prêtre et un lévite, dont il est seulement dit : qu’ils le virent et passèrent de l’autre côté, sans que leurs entrailles s’émurent de pitié.
Etait-ce bien de leur faute ? Pouvaient-ils forcer leur cœur ? Faire comme si ils ressentaient de la pitié ? Ces choses là, dit-on souvent, ne se commandent pas. Le samaritain au contraire réagit de façon toute spontanée. La pitié, peut-être malgré lui, jaillit irrésistiblement. Il ne lui a pas fallu se raisonner. Le cœur a des raisons que la raison ne comprend pas. Le prochain du blessé c’était celui chez lui, à la vue de son état, l’amour allait se révéler, se précipiter, comme malgré lui. Personne n’a dû provoquer son amour. L’amour était déjà là.

Cette spontanéité de tout amour vrai est une trace de son origine divine. Jésus semble bien proposer cet amour-là au docteur de la loi qui lui avait posé une question. Sa question était d’ailleurs formulée exactement à l’envers de la réponse qu’il va recevoir de Jésus. Il ne demandait pas : « De qui suis-je le prochain ? » Mais au contraire : « Qui est mon prochain ? »
Et saint Luc ajoute qu’il posa une telle question parce qu’il voulait montrer qu’il était un homme juste. Qui est mon prochain ?
Il voulait recevoir de Jésus des précisions sur ceux envers qui il avait des devoirs de charité, et de ceux envers qui il pouvait s’en dispenser.

Mais précisément, il n’y a jamais de devoir de charité, il n’y a de devoir d’amour. Il y a simplement l’amour, l’amour qui suit son cours, qui déborde, qui de mille façons s’ingénie à prouver qu’il aime, sans prétendre à autre chose qu’à aimer.
Comme il ne peut jamais y avoir de prochains qui seraient le nôtres, qui nous appartiendraient, des pauvres qui seraient livrés à notre bienveillance et à notre générosité, pour que nous puissions prouver grâce à eux, comme de docteur de la loi, à quel point nous sommes justes.
Il n’y pas de charité qui ne servirait qu’à nous rendre satisfaits de nous-mêmes. Au contraire il appartient à nous de devenir les prochains des autres, livrés à leurs besoins, quels qu’ils soient, dès qu’un peu d’amour vrai s’est allumé dans notre cœur.

En écoutant la parabole de Jésus, le docteur de la loi était peut-être porté à condamner sévèrement la négligence du prêtre et du lévite qui ont manqué à leur devoir de croyants et de clers ; ou prêt à se confondre parce que seul un samaritain – hérétique – a agi comme il fallait. Mais ce serait encore trop de générosité et d’amour propre de sa part, et une nouvelle prétention de justice. Car il ne s’agit pas de condamner ni le prêtre ni le lévite, ni qui que ce soit, ce qui serait une nouvelle subtilité pour se croire plus charitable et meilleur que les autres. Tout simplement, leur cœur est encore scellé d’amour, leur regard obscurci par des préjugés de caste.
Comme chacun de nous, ils ne sont pas encore entièrement livrés à l’amour, livrés à Dieu, livrés au dernier et au plus humble de leurs frères.

« Le samaritain arriva près de lui, il le vit et fut saisi de pitié. » C’était vraiment plus fort que lui. L’amour est toujours plus fort, plus fort que la mort, dit le Cantique des Cantiques. Le samaritain a cédé au poids de l’amour qu’il portait dans son cœur, tel Dieu qui cède toujours à la miséricorde – qui fait lever le soleil sur les justes comme sur les méchants, tel le bon pasteur qui laisse toutes les autres brebis pour chercher celle qui est souffrante.
Qui de nous pourrait l’attester ? Qui de nous n’a jamais eu besoin de pardon ? Qui de nous ne s’est jamais senti abandonné à la seule miséricorde de Dieu, parce que laissé pour compte par l’indifférence ou la dureté des hommes ?
Celui qui n’aurait pas encore rencontré la tendresse gratuite de Jésus, seul bon samaritain, ne saurait aimer Dieu. Il ne serait encore que sur le seuil de l’Evangile. Il ne saurait aimer ses frères ni panser leurs blessures.

Que le Christ soit un remède pour nos blessures et un gage de la guérison éternelle. Qu’il nous fasse comprendre la profondeur de l’Amour de Dieu, afin qu’à notre tour nous transmettions cet amour à nos frères.

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