Messe du 14ème dimanche ordinaire

 

Frère Paul-Bernard Hodel, O.P., au monastère des Dominicaines à Estavayer-le-Lac, le 8 juillet 2001

Lectures bibliques : Isaïe 66, 10-14; Galates 6, 14-18; Luc 10, 1-20

Parmi les idées reçues qui circulent librement à propos de l’Ecriture Sainte, – et elles sont nombreuses ! -, il en est une que l’on entend fréquemment, et qui prétend que le Dieu de l’Ancien Testament, celui de l’ancienne Alliance, serait un Dieu vengeur alors que celui du Nouveau Testament, le Dieu de Jésus Christ, serait un Dieu d’amour.

Nous savons bien qu’il s’agit là d’une fausse opposition. Et s’il fallait nous en convaincre, il suffirait de revenir à cette prophétie d’Isaïe que nous venons d’entendre. Sans doute, les siècles ont passé et, à l’écouter seulement à la messe, nous risquons d’oublier ce que cette parole a signifié pour le peuple d’Israël lorsqu’il écoutait le prophète. Ils avaient tout perdu dans l’exil à Babylone, leurs biens, leur terre – elle était pourtant la terre de la promesse, celle que Dieu avait donnée -, ils avaient perdu jusqu’à l’estime d’eux-mêmes : ils avaient pêché, et pour cela, pensaient-ils, Dieu les avait livrés à la main de leurs ennemis. Et voici qu’au coeur de l’exil, le Seigneur dit qu’il pas oublié son peuple, et il apporte la consolation. Au coeur de leur misère, une telle promesse a du consoler les enfants d’Israël de tout ce qu’ils avaient perdu. « Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d’elle vous qui l’aimez ! Avec elle soyez pleins d’allégresse, vous qui portiez son deuil ! »

Dieu ne fait pas oeuvre de justice seulement. Ce peuple blessé parce qu’il s’est détourné de sa source, Dieu vient le recueillir dans sa tendresse. Et quelle tendresse que celle du Père ! « Voici ce que dit le Seigneur : Vous serez comme des nourissons, que l’on porte sur son bras, que l’on caresse sur ses genoux. De même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai. »

Cette parole de tendresse a dû bouleverser ceux qui écoutaient le prophète. Comme des siècles plus tard elle bouleversera une jeune religieuse qui découvre cette même parole, pas même dans une Bible – on ne la lisait pas tant directement dans le texte à cette époque-là ! – mais dans un florilège de citations de l’Ecriture qui lui avait été prêté. Cette jeune religieuse, c’est Thérèse de l’Enfant-Jésus. Le sentiment de sa pauvreté ne devait pas être si différent de ce que ressentaient les enfants d’Israël dans l’exil. Et voici ce que sainte Thérèse écrit à Mère Marie de Gonzague : « Vous le savez, ma Mère, j’ai toujours désiré d’être une sainte, mais hélas ! j’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur sous les pieds des passants ; au lieu de me décourager, je me suis dit : Le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections ; mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel, par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection, Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir, et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Eternelle : Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu ! ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : – Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! Ah jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. O mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes. »

Ce qu’annonçait l’Ancien Testament est désormais accompli. La tendresse du Père s’est révélée en Jésus.

Et ce qui était vrai pour celle qui est devenue sainte, est vrai pour nous aussi. C’est à chacun de nous que le Seigneur redit sa tendresse. Peu importe que nous soyons petits, pauvres, pêcheurs, que nous estimions être éloignés de lui. Il est le Seigneur de toute consolation, le Dieu de toute tendresse.

Réjouissons-nous ! – c’est l’Evangile qui nous le rappelle : nos noms sont inscrits dans les Cieux.

 

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