Messe du 14e dimanche ordinaire

 

Abbé Bernard Jordan, à la chapelle Notre-Dame des Marches, Broc, FR, le 9 juillet 2006
Lectures bibliques : Ezékiel 2, 2-5; 2 Corinthiens 12, 7-10; Marc 6, 1-6 – Année B

Chers amis,

Dans le film « La Passion du Christ » Mel Gibson nous fait voir des scènes de la vie de Jésus à Nazareth, pleines d’humanité. Par exemple, nous voyons Marie se dirigeant vers l’atelier du charpentier pour inviter Jésus à venir manger. Jésus lui montre une table qu’il vitre une table qu’il vient de terminer, ils échangent quelques mots sur le sens de la table, symbole de la communion, du rassemblement, du partage. Puis, ils s’acheminent vers le lieu du repas, Jésus fait ses ablutions et, chose surprenante, pour taquiner sa mère, il lui jette un peu d’eau à la face : éclats de rire des deux. Voilà, le Messie annoncé par les prophètes. Qu’il est bon de découvrir un Dieu se révélant ainsi, par des attitudes toutes simples, très proches de nos gestes quotidiens !

Le message d’amour, de solidarité, de tolérance de Jésus et notre vie d’amitié avec lui, prennent racine dans ces gestes-là.

Et nous pouvons comprendre les réactions des gens de son pays ,qui étaient pourtant saisis d’étonnement devant le bien qu’il accomplissait : « N’est-il pas le charpentier de Nazareth ? » Qu’est-ce qu’un charpentier peut-il bien nous apporter ? Je traduis en langage d’aujourd’hui : il ne se prend pas pour n’importe qui, celui-là.

Moi, comme vous, nous avons de la peine à nous laisser interpeller par nos proches. C’est normal, car nous voyons d’abord chez eux, leurs défauts, et le bien qu qu’ils font, les bons conseils qu’ils nous donnent passent après. Mais il ne faudrait pas que cela devienne une habitude, cela pourrait nous jouer de vilains tours et nous faire passer à côté de bonnes choses nous procurant le bien-être que nous recherchons. La parole de Dieu aujourd’hui nous invite à nous poser la question : Et si Dieu nous parlait par nos proches ?

Au baptême, par l’onction d’huile, nous reconnaissons notre participation à la mission prophétique de Jésus, mise au service de ceux qui nous entourent. Que cela signifie-t-il ?

D’abord, un prophète n’est pas celui qui prédit l’avenir, comme nous l’entendons souvent.

– Un prophète est celui – ou celle, bien sûr – qui rend visible Dieu par son comportement.

– Un prophète est celui qui transmet la volonté de Dieu pour le bien-être des gens.

– Un prophète est celui qui ouvre et qui prépare un avenir meilleur.

– Un prophète est celui qui édifie, qui exhorte et qui console.

Par l’onctil’onction du baptême, le Seigneur nous promet une force toute spéciale pour vivre, avec audace, ces réalités prophétiques. Nous risquons de l’oublier. Vous réalisez quelle importance le Seigneur nous donne, quelle valeur prend notre vie à chacun, que nous soyons bien portants ou dépendants, que nous soyons croyants ou pas. A ce sujet, je vous avais donné des exemples lors des homélie de l’Avent, l’année dernière. Dieu a besoin de nous pour construire ce monde, pour maintenir une espérance joyeuse dans nos cœurs. Si nous n’y croyons pas, notre vie peut devenir banale, sans goût, amère.

Encourageons-nous à dépister les prophètes qui nous font du bien, qui nous indiquent le chemin sûr, à la suite du prophète de Nazareth.

L’abbé Maurice Zundel écrit : « Dieu ne peut se révéler à l’homme que dans la mesure où l’homme accepte de se transformer . » Et Raoul Follereau, dira, lui : « Tout amour semé, tôt ou tard, fleurira. »

Les prophètes de notre temps que tout le monde connaît, tels l’abbé Pierre, Sr Emmanuelle, Mgr Gaillot, Albert Jaquard, Jean Vanier, ne devraient pas nous fnous faire oublier, les nombreux que nous avons côtoyés et que nous côtoyons encore dans leur saisissante simplicité .

Je pense à ceux que j’ai rencontrés dans mon enfance et dont le témoignage m’aide encore dans mon ministère. Les deux charpentiers de mon village, Ambroise et Louis. Des hommes avec le crayon et mètre toujours en main, s’ingéniant à donner les meilleurs conseils pour une réparation ou une construction, prenant le temps d’expliquer, de faire des croquis, disant à mon père : « Tu sais Etienne on pourra faire ça pour pas trop cher. » Et c’était vrai. . On travaillait dans une confiance mutuelle absolue. Quelle conscience professionnelle ! Ils doivent bien rire dans leur paradis en ce moment en entendant leur nom résonner dans cette chapelle et à travers la radio. Tout comme celui de l’oncle Albert qui avait l’art de nous distraire, nous les enfants, dans un travail que nous rechignons parfois, celui de mettre les gerbes de blés en moyettes; pour nous encourager, il n’en finissait de nous raconter, avec son éternelle bonne humeur, ses randonnées en montagne, passionnant ! et le temps passait. Un jour, je lui demande pourquoi nous disons que certains sont conservateurs et d’autres radicaux ? Tu sais Bernard, on parle ainsi, seulement au moment des élections. Quelle délicatesse ! il ne voulait blesser personne et surtout pas maculer ma conscience d’enfant face à la politique par des critiques inutiles. Quel bon sens !

Et plus près dans le temps.

Toi Lara, qui a 7 ans, tu viens de perdre ta belle chevelure par une chimiothérapie, tu as gardé ton beau sourire, le jour où je t’ai offert une petite croix toute décorée, après avoir quitté ta chambre d’hôpital, tu as dit à ton papa et à ta maman : « Vous arrêtez de me parler un moment, je veux parler à Dieu. » Tu es restée cinq minutes les yeux fermés. Lorsque deux jours plus tard, je suis venu te voir à nouveau, tu m’as dit : « Bernard, je sais beaucoup de choses sur Jésus, tu veux me baptiser ? » bien sûr Lara, et on fera une belle fête.

Et toi, mon petit Ludovic, tu m’as ému lundi dernier; je t’ai donné un petit cadeau et tu m’as dit avec ta spontanéité d’enfant de 4 ans : « Si tu m’offres un cadeau, Bernard, ça veut dire que tu m’aimes et que tu m’aimes beaucoup ». De telles attitudes nous aident à vivre pour le reste de la semaine et laissent des traces pour toujours. Et si Dieu nous parlait par nos proches. L’abbé Zundel acquiesce en disant : « La réalité divine se fait jour à travers un événement humain – regard, audition, contact, changement organique, pensée, action – qui surgit, en imposant au témoin du phénomène, le sentiment spontané d’une origine et une présence surhumaine. »

Oui, Seigneur, nous sommes invités à le croire, à vivre en communion profonde avec toi, même si nous ne comprenons pas tout de la vie et de ta vie, nous sommes invités à croire que tu es agissant dans notre monde, mais à ta manière, c’est peut-être l’une des épreuves de la foi.

Nous te disons comme tes disciples, nous croyons, Seigneur, mais augmente notre foi pour savoir repérer ta manière de te faire connaître.
Amen.

 

 

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