Messe du 12ème dimanche ordinaire

 

Chanoine Olivier Roduit, le 22 juin 2008, à l’abbaye de Saint-Maurice
Lectures bibliques : Jérémie 20, 10-13; Romains 5, 12-15;
Matthieu 10, 26-33 – Année A

Chers frères et sœurs, chers amis, d’ici et d’ailleurs,

Vous savez certainement que tout orateur, que tout prédicateur, cherche à s’assurer d’entrée de jeu la sympathie de ses auditeurs. C’est la « captatio benevolentiæ », d’une expression latine qui signifie le fait d’attirer la bienveillance de son auditoire. Cet artifice rhétorique peut prendre la forme d’un trait d’humour, d’une courte histoire a priori sans lien avec le sujet, d’une mise en abyme du locuteur ou du public.

Aujourd’hui, j’aurais donc pu attirer votre attention et votre bienveillance en commençant par évoquer la victoire, hier soir, de la Russie sur la Hollande dans le cadre de cette grande messe du sport qu’est l’EURO 2008. Mais je préfère en rester à l’évangile et à ce qu’il peut vouloir nous dire aujourd’hui.

S’il y a captatio benevolentiæ, c’est qu’il s’agit de bien commencer, par une note positive et stimulante. Vous savez comme il est important de bien débuter chacune de nos activités, surtout celles qui sont vécues en groupe. Les 5 premières minutes d’une réunion donnent la tonalité de toute la rencontre. La première impression doit toujours être positive !

A contrario, par exemple, lorsqu’au début d’une conférence la sonorisation tombe en panne, vous pouvez être certains que les difficultés ne vont cesser de s’ajouter les unes aux autres. Ou encore, quelle ambiance désastreuse ne crée-t-il pas le célébrant qui, dès le début d’une messe, proclame des interdictions : ne pas faire de photos, ne pas se déplacer, ne pas faire de bruit… Lorsqu’on se lève le matin du pied gauche, les contrariétés risquent de nous accompagner toute la journée !

Alors, pourquoi donc Jésus, dans l’évangile d’aujourd’hui, utilise-t-il des formules négatives, et cela dès le début de cette péricope ? Jésus serait-il pessimiste, lui qui affirme par deux fois : « Ne craignez pas ! »

Jean-Paul II n’a pas hésité à inaugurer son pontificat par cette forte interpellation : « N’ayez pas peur ! ». Ce cri retentit aujourd’hui encore avec beaucoup de force. Il ne s’agit en fait pas d’une formule négative, mais d’un  encouragement et du refus de la morosité ambiante.

La peur est ce qui empêche d’agir. Et l’on a bien vu que Jean-Paul II n’a jamais craint de dire ce qu’il devait dire et faire ce qu’il devait faire, et des murs immenses sont tombés devant lui !

Comment ne pas évoquer ici le réseau N’APP, ce groupe de jeunes né en Valais et qui a pris le cri de Jean-Paul II — et de Jésus ! — comme slogan et comme nom. N’APP, c’est l’abréviation de N’ayez pas peur ! Ce réseau de jeunes ne craint pas de stimuler ses contemporains. Il prépare Théo Mania, un magnifique rendez-vous en marge des JMJ de Sydney. Il s’agit de permettre aux jeunes qui ne peuvent voyager jusqu’à Sydney de se rassembler et de célébrer ces Journées Mondiales de la Jeunesse, tout près d’ici, à Vérolliez, à la mi-juillet.

« N’ayez pas peur », « Ne craignez pas » ! Ce sont donc plutôt des encouragements et des messages positifs pour tous ceux qui se sentent dans la situation de Jérémie. Le prophète était un reproche vivant pour ses contemporains, car il était trop juste ! Il fallait donc le faire tomber pour justifier les pécheurs. Ses amis guettent ses faux pas et cherchent à le séduire négativement. Mais il tient bon face à ses persécuteurs car il a confié sa cause à Dieu.

Vous savez, frères et sœurs, comme il est difficile de vivre près d’un saint ! Rien que son attitude nous remet en cause. Et il n’y a alors que deux solutions : suivre son exemple, ou l’ignorer et s’enfermer dans le péché.

Le prophète Jérémie proclame ce qui menace ses adversaires : « Seigneur, toi qui vois les cœurs et les reins, montre-moi la revanche que tu prendras sur ces gens-là, car c’est en toi que j’ai confié ma cause. »

Oui, comme le dit Jésus, « ce qui est voilé sera dévoilé, ce qui est caché sera connu ! » Vous connaissez bien le danger qui nous menace tous lorsque nous commençons à tricher avec nous-mêmes. Il faut mettre en place toute une stratégie pour dissimuler le vice. L’escroc qui cherche à détourner de l’argent doit utiliser de nombreux stratagèmes pour ne pas être découvert ! L’alcoolique doit organiser toute sa vie pour arriver à se procurer discrètement l’alcool qui lui donnera ce faux sentiment de bien-être. Quelles ruses ne doit-il pas utiliser celui qui va tromper sa femme ?
Ainsi, celui qui triche avec lui-même va centrer sa vie, peut-être même inconsciemment, sur le vice ou le péché qu’il faut cacher. C’est ce que j’appelle l’enchaînement de la tricherie.

Et comment donc rompre cet esclavage ?
Tout simplement par la vérité !
Jésus nous le dit : « la vérité vous rendra libres ! », « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme », « Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. »

C’est la positive attitude dans toute sa splendeur ! Certes, nous sommes de pauvres pécheurs, mais nous ne nous résignons pas à n’être que des pécheurs ! Saint Paul le proclame : la grâce de Dieu, donnée en Jésus Christ, a comblé la multitude des pécheurs. Nous sommes les bien-aimés du Père, ses disciples et ses envoyés dans le monde qui a tant besoin de lumière.

Ne craignons pas de nous appuyer sur la Parole de Dieu, même si elle n’est pas toujours politiquement correcte ! « Ce que je vous dis dans l’ombre, rappelle Jésus, dites-le au grand jour ! »

Je le disais au début, par la captatio benevolentiæ l’orateur cherche à s’attirer la bienveillance de son auditoire. Dans le domaine de la vie de foi, il s’agit de s’attirer la bienveillance de Dieu, une bienveillance jamais prise en défaut, lui qui veut fondamentalement le bien et le bonheur de ses créatures.

Puissions-nous vivre, comme nous le priions dans l’oraison d’ouverture, « dans l’amour et le respect du nom de Dieu, lui qui ne cesse jamais de guider ceux qu’il enracine solidement dans son amour ». Amen

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