Messe du 12e dimanche ordinaire

 

 

Chanoine Jean-Marie Lovey, à l’église St-Michel, Martigny, VS, le 25 juin 2006
Lectures bibliques : Corinthiens 2, 5,14-17, Marc 4, 35-41 – Année B

On fait dire à Mozart, quand on lui demande de rendre compte de la beauté de sa musique : « Je cherche 2 notes qui s’aiment ». La célébration de la Messe est bâtie sur 2 paroles : La Parole de Dieu et la parole de l’homme. D’un côté la Parole d’un Dieu infiniment amoureux de l’humanité, une Parole vivante qui a pour nom Jésus, toujours à la recherche de l’homme. Et de l’autre une réponse humaine, libre, vraie. Une parole d’homme, pas seulement prononcée du bout des lèvres, mais dense de toute l’épaisseur de son histoire.

Et c’est seulement lorsqu’une célébration permet à ces 2 paroles de se rencontrer pour s’aimer qu’on pourra dire « c’était une belle Messe ! » Frères et sœurs, qui d’entre nous voudrait aujourd’hui faire de sa vie, une réponse aimante à la Parole de Dieu offerte en cette Liturgie ? Parce que lui, Jésus, ne cesse de nous redire jusqu’où il veut nous aimer.

Relisons. « Ce même jour, le soir venu… » Il s’est donc passé quelque chose, ce même jour pour que l’auteur tienne à le signaler. Quoi donc ? Dès le début de ce chapitre 4 de Marc, on apprend que Jésus « par un grand nombre de paraboles annonçait le Royaume, dans la mesure où les auditeurs étaient capables d’entendre (v. 33) ».

Et c’est ce même jour encore que les disciples vont être témoins de 4 signes essentiels du Royaume : un démoniaque guéri ; une femme dont les pertes de sang s’arrêtent ; une jeune fille rappelée à la vie (Chap.5) et enfin une tempête apaisée.

Où pensez-vous qu’elle fût, la tempête, ce jour-là ? Sur le lac de Tibériade tellement connu des disciples avec ses sautes d’humeur provoquées par le vent d’ouest ? Oui, elle était là. Mais elle devait bien agiter aussi le cœur et l’esprit des disciples qui en avaient trop vu et entendu en une seule journée ; d’autant plus qu’ils commençaient à comprendre jusqu’où Jésus les aimerait puisqu’il « expliquait tout en particulier à ses disciples ( v.34) ». Quel rythme Jésus leur fait subir ! Aujourd’hui on parlerait de stress ou même de mobbing ! « Et lui dormait sur le coussin (v.38) ! »

Tout le récit de la tempête sur le lac nous emmène au cœur du mystère pascal. En symbolique biblique, traverser l’eau c’est traverser la mort. Et le Jésus de St Marc parle de sa propre condamnation à mort comme d’une « livraison aux païens (Mc.10,33). » Or, il s’agit ici de passer de la rive juive occidentale du lac jusqu’à la rive païenne. « Passons sur l’autre rive », à l’est, chez les païens. « Et lui, à la poupe, dormait sur le coussin (v.38). » Le sommeil évoque aussi la mort et l’absence. La tête du Christ reposant sur le coussin dessine évidemment la position de l’Homme au tombeau. La mer agitée devient symbole des forces obscures qui déstabilisent, font perdre pied, engloutissent.

Le vent de la Méditerranée qui agite bruyamment le lac de Tibériade annonce le vacarme de la peur, de la panique devant la mort qui secoue la confiance de tout disciple. Qui oserait répondre sans trembler à un amour prêt à aller jusqu’à la mort ? Et Jésus aime l’homme même dans sa faiblesse. Il va donc adresser à ses disciples moins un reproche qu’une invitation : « Pourquoi avez-vous peur ainsi ? Comment n’avez-vous pas la foi ? (v.40). »

A l’heure de la foi, les disciples comprendront qu’au matin de Pâques, comme au jour de la tempête apaisée, Jésus se réveille du tombeau. Comme dans la barque, sur le lac de ce matin, il va se remettre debout et signer sa victoire sur le mal et la mort par une harmonie silencieuse. « Et il se fit un grand calme. »

Saint Paul chantera le même émerveillement : « L’amour du Christ nous fait chaud au cœur à la pensée qu’un seul est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus centrés sur leurs peurs, mais sur le Ressuscité. Si quelqu’un est dans le Christ il est une créature nouvelle ( 2 Cor. 5, 14…) » Pour l’instant, nous traversons la vie, comme les disciples le lac.

Les tempêtes de toutes sortes sont le quotidien de nos frères en humanité. Qui n’a pas une fois essuyé le gros grain ? La maladie ? La perte d’un être cher ? d’un emploi ? L’angoisse d’un changement ? d’un refus ?

Nous savons bien que ce n’est pas d’être proches de Jésus qui nous épargnerait la tempête. Ses propres amis en font l’expérience. Avec eux tous, Jésus lui-même est secoué par la tempête. Sa passion a été un déchaînement terrible des forces du Mal. Ce jour-là, il allait s’endormir non plus à la poupe du navire, mais sur le mât, crucifié, épinglé. Réduit à l’impuissance ne gardant que sa liberté de remettre sa vie par amour entre les mains du Père (Lc. 23,44) pour qu’aucun des siens ne se perde (Jn.6,39). Voilà jusqu’où est allé Jésus : Au plus bas. A la recherche du plus perdu.

Et c’est cela qui est beau. Peut-être est-ce la Beauté suprême ? Celle qui consiste à rejoindre l’homme dans le plus horrible de sa condition : la souffrance, le mal, la mort pour l’ accompagner silencieusement, déposer sur lui toute la beauté possible et enfin l’emmener en transfiguration de gloire dans la VIE.

Les esthètes, les Mozart de tous les temps ne cessent de raconter comment l’amour est descendu du ciel sous forme de beauté. Les chrétiens ont appris que Jésus est embarqué pour toujours dans leur histoire humaine pour les apaiser, les rassurer au cœur de toutes leurs tempêtes. Alors ils disent : « Oui, l’Amour est descendu du ciel, PAR AMOUR, sous forme de beauté. »

Amen.

 

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