Messe du 12e dimanche ordinaire

 

Chanoine Roland Jaquenoud, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 20 juin 2004.

Lectures bibliques : Zacharie 12, 10-11; 13,1: Galates 3, 26-29; Luc 9, 18-24

QUI SUIS-JE?

Pour la foule, qui suis-je?

– « Jean-Baptiste ». Ouais, pas mal.

– « Elie ». Mmh. Essayez encore.

– « Un prophète d’autrefois qui serait ressuscité ». Aha.

Et vous que dites-vous? Pour vous, qui suis-je?

« le Messie de Dieu ». Bravo, Pierre, bonne réponse! Bien vu!

 

A la place de saint Pierre, nous aurions nous aussi pu donner une bonne réponse. Nous aurions pu dire : « Le Fils de Dieu », « Dieu venu marcher sur nos chemins », « Dieu fait homme ». Avec un peu de savoir théologique et de connaissance de la Bible, nous aurions pu répondre « le Verbe fait chair ». Tout cela n’eût été que de bonnes réponses. Bravo! Gagné! L’examen de catéchisme est réussi!

Pourtant, dans notre évangile, Jésus ne se contente pas de ce succès au jeu de questions-réponses. Tout de suite, il donne le sens de ses titres :

« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les Anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que le troisième jour, il ressuscite ».

Cela, les Apôtres ne le savaient pas encore. Que le Messie sauveur doive souffrir, ils n’en avaient pas encore conscience. Mais nous autres, chrétiens du XXIe siècle, qui célébrons chaque année les fêtes de Pâques, qui célébrons dans chaque Eucharistie la mort et la résurrection de notre Sauveur, nous aurions pu le dire aussi. Là encore, nous aurions gagné des points à notre examen de catéchisme, nous aurions pu même devancer quelque peu notre bon saint Pierre.

Mais le Seigneur Jésus ne s’arrête pas là. Il continue en nous disant que par là où il est passé, nous devons nous-même nous préparer à y aller.

« Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. »

Ici, il ne s’agit plus d’examiner nos connaissances en catéchisme. Il s’agit d’examiner notre vie. Nous sommes tous fils de Dieu par la foi, nous disait saint Paul tout à l’heure dans la lettre aux Galates. La baptême que nous avons reçu nous a unis au Christ, nous avons revêtu le Christ. Il ne nous reste plus qu’à le suivre.

Et aujourd’hui, le Seigneur Jésus nous nous rappelle que marcher à sa suite, c’est exigeant. Autrement plus exigeant que bien connaître son catéchisme. Marcher à sa suite, c’est aller là où lui-même est allé.

« Celui qui veut sauver sa vie la perdra; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. »

Marcher à la suite du Christ, c’est accepter de perdre sa vie pour lui. Paroles difficiles à entendre….

Ici, nous somme sans doute tous de bons chrétiens. Nous tentons de conformer notre vie aux commandements de Dieu. Nous fréquentons les prières et les célébrations de l’Eglise. Nous prions, nous contemplons le mystère de Dieu. Nous sommes émus quand nous méditons sur le mystère de Jésus Christ crucifié pour nous. C’est de nous que parlait le prophète Zacharie dans la première lecture, lorsqu’il affirmait :

« Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé; ils feront une lamentation sur lui comme sur un fils unique; ils pleureront sur lui amèrement comme sur un premier né. En ce jour là, il y aura grande lamentation dans Jérusalem ».

Comprenant que c’est pour nous que le Christ s’offre sur la croix, comprenant que c’est de là que vient jusqu’à nous la grâce divine du salut, nous témoignons à Dieu notre reconnaissance et nous écoutons avec joie les paroles du prophète :

« En ce jour là, il y aura une source qui jaillira : elle les lavera de leur péché et de leur souillure ».

Oui, nous sommes dans la joie et la reconnaissance quand nous prenons conscience que c’est nous qui sommes les bénéficiaires de tant de bienfaits, que le Christ notre Seigneur nous a tout donné, jusqu’à sa propre vie.

Pourtant, aujourd’hui, le Seigneur Jésus nous enseigne que tout cela n’est pas suffisant. Il ne suffit pas de savoir, il ne suffit pas d’être reconnaissant. Si véritablement nous voulons donner un sens au baptême que nous avons reçu, nous devons suivre le Christ. Et le suivre, Jésus nous dit en quelques mots ce que cela signifie. Le suivre, c’est accepter de … perdre sa vie! Attention. Perdre sa vie ne veut pas dire envisager plus tard, dans notre vieillesse, au seuil de notre mort, une vague consécration à Dieu, dans le genre : « je m’arrangerai alors avec Dieu, qu’il ne vienne pas trop me déranger maintenant ».  »

« Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. »

C’est chaque jour de notre vie que nous devons accepter de perdre notre vie pour le Christ afin de la recevoir nouvelle de lui. Chaque jour, c’est-à-dire dès aujourd’hui. Suivre le Christ, c’est accepter de donner toute notre vie à celui qui en est l’Auteur et le Sauveur, quelles qu’en soit les conséquences. Si nous n’entrons pas dans cette suite du Christ, si nous n’acceptons pas de consacrer radicalement notre vie à Celui qui la transforme en vie éternelle, alors l’enseignement de notre catéchisme, le sacrement de notre baptême, notre pratique religieuse, les voeux que nous avons prononcé si nous sommes religieux ou religieuses : tout cela est parfaitement vain.

Le Christ Jésus ne nous demande pas des succès ou des coups d’éclats, il ne nous promet aucune forme de succès terrestre, ni dans le monde, ni même dans l’Eglise. Il nous demande une seule chose : perdre notre vie pour Lui, comme il a perdu la sienne pour nous. C’est-à-dire renoncer à nous-mêmes, pour Le suivre chaque jour de notre vie. C’est à ce titre seulement que nous auront le droit de nous affirmer comme chrétiens sans usurper ce beau nom qui nous vient du Christ lui-même, notre Seigneur, à qui soit la gloire pour les siècles des siècles.

Amen.

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