Messe du 11ème dimanche ordinaire

 

 

Abbé Hyacinthe Ya Kuiza, Collégiale de Saint-Ursanne, le 12 juin 2005
Lectures bibliques : Exode 19, 2-6; Romains 5, 6-11; Matthieu 9, 36 – 10,8 – Année A

Chers Frères et Sœurs,

Avec l’Evangile de ce dimanche, nous célébrons une Parole qui fonde la Mission de l’Eglise : on y voit Jésus qui appelle ses disciples et les envoie dans le monde. Il inaugure un magnifique projet de bienveillance de Dieu pour notre humanité.

Ce projet qui, à la suite des apôtres, mobilisera au fil des temps et de l’histoire de nombreux missionnaires, est parti de ce point fondamental : Dieu ne se complaît pas à la vue de la détresse des gens. Jésus, en rencontrant, sur son chemin, des foules fatiguées, déboussolées, et abandonnées à leur sort «a pitié» ; ce qui signifie littéralement, il est «pris aux entrailles» ; il est envahi par «l’émotion».dans le sens noble du mot qui veut dire «mouvement» ! L’émotion est à la fois un «mouvement intérieur» qui touche le coeur et «une occasion inouïe de se mettre en marche ». La vocation missionnaire, toute vocation, s’enracine dans ce mouvement intérieur que l’Esprit de Dieu suscite en nous, pour que nous soyons signes de tendresse et d’humanité de Dieu en ce monde blessé.

Comment ne serions-nous pas émus, secoués au fond du cœur, par la détresse non seulement matérielle mais aussi morale et spirituelle des foules contemporaines : des jeunes sans repères, des adultes sans raisons de vivre, des exclus sans avenir, des malades et des aînés qui souffrent toujours plus de solitude .

Quand Jésus est face à ces foules abattues – alors qu’on pourrait s’attendre à une décision pratique immédiate – le voici qui propose comme première grande mesure d’urgence : la prière. « Priez le maître de la moisson ! ». Son appel n’est pas une lubie de doux rêveur qui nierait les réalités dures de la vie : au contraire, il nous invite à rejoindre nos contemporains dans leurs soifs et attentes profondes que Dieu seul peut combler. La prière nous apprend à sortir de l’indifférence, à refuser le pessimisme et le mal de vivre. On peut tout avoir, mais tant que notre vie n’est pas nourrie de l’intérieur, par la prière et la Parole de Dieu, c’est le néant… Pensons au vide spirituel que suscite le matérialisme de la société moderne. En définitive, la prière convertit notre regard intérieur, nous permet ainsi d’aimer le monde à la manière de Dieu : d’aimer les personnes parce qu’elles sont toutes précieuses aux yeux de Dieu. L’engagement missionnaire en faveur des hommes dans le monde est à ce prix.

Jésus ne s’est pas gargarisé de mots dans une attitude de pitié et dans une prière alibi ; au contraire, il a réagi en mobilisant du monde, des amis : pour passer à l’action ! Il a donné des consignes et proposé des tâches significatives qui sont toujours d’actualité : aller vers les pauvres, consoler, porter la paix, guérir, libérer, ressusciter, c’est-à-dire faire vivre… Aujourd’hui, le Seigneur nous appelle à la même mission : il compte sur nous. La vocation baptismale conduit naturellement le chrétien à être témoin et missionnaire.

A ce sujet, il faut encourager nos jeunes qui nous donnent un nouveau visage de la mission. De jeunes suisses partent en Afrique, en Amérique latine ou en Asie, pour une durée déterminée ; ils ne sont pas des touristes en mal de sensations et d’exotisme, ils vont à la rencontre des autres peuples, pauvres, mais dotés de richesses humaines et spirituelles. Ces jeunes gens sont à leur manière, des missionnaires de notre temps. A u départ, sur le terrain, ils ont pu trouver dans des aînés missionnaires un point de repère. Mais très vite les jeunes ouvrent de nouvelles pistes et tentent de sortir du rapport du dominant qui sait tout et du dominé qui attend tout. Ils ne sont nullement intimidés par les positions hiérarchiques ou dogmatiques, mais ils sont spontanément exigeants vis-à-vis des problèmes de justice et de fraternité entre les humains. Ils investissent moins dans la durée, mais ils soignent la qualité de la relation à l’autre…Ils sont généreux. Ils apprennent autant à donner qu’à recevoir. La mission c’est « échanger ».

Quand ces jeunes reviennent ici, ils ont un visage rayonnant de l’accueil et de l’amitié… rencontrés dans ces pays du Sud. Ils donnent envie à d’autres jeunes de vivre l’expérience. La pauvreté du Sud les aurait-elle évangélisés ? En tout cas certains jeunes avouent qu’elle leur a permis de revenir à l’essentiel. Eux qui semblaient blasés, découvrent que la vie vaut la peine d’être vécue. De retour parmi nous, ils décident de s’engager dans des associations humanitaires ou missionnaires. L’Eglise d’ici doit leur donner un espace de liberté pour qu’ils se disent et s’expriment. Il faut le rappeler à ces jeunes, l’Eglise est leur maison, elle ne leur ferme pas la porte. Qu’ils viennent et s’y sentent à l’aise. C’est à eux de créer l’ambiance de la joie et de la fête dans nos églises et communautés.

Les défis actuels de paix, de justice sociale, d’économie humaine, de commerce équitable, du partage nord-sud que le monde affronte à notre époque, doivent aussi stimuler les chrétiens à rayonner de ferveur missionnaire et donner ainsi à l’Eglise un visage renouvelé.

C’est cette Eglise Missionnaire-là qui me permet aussi, à Moi Fils d’Afrique, d’être présent sur cette terre jurassienne. D’une part, pour exprimer gratitude et reconnaissance pour le don de la foi reçu gratuitement des missionnaires de l’Occident chrétien, et d’autre part pour témoigner de l’espérance chrétienne que porte désormais l’Afrique chrétienne et qu’elle entend partager avec les autres Eglises soeurs du Monde. Aujourd’hui, Jésus pose les bases de ce que doit être l’Eglise : un peuple missionnaire marqué par un amour universel, qui rayonne, qui libère et qui permet à tant d’autres humains d’exister… «Vous avez reçu gratuitement,donnez gratuitement ».

 

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