Messe de Minuit


Mgr Bernard Genoud, à l’église St-Laurent, Praroman, FR, le 24 décembre 2002.

Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Tite 2, 11-14; Luc 1, 1-14

Mes chers frères et soeurs,
Chers auditeurs qui vivez avec nous cette messe de Minuit,

On ne peut prendre la parole, en la nuit de Noël, sans une certaine émotion. Oui, ce soir, Dieu Lui-même est venu passer sa première nuit sur notre terre basse. Le Fils de Dieu s’est comme plongé dans le temps pour y germer en silence et un jour le faire éclater en lumière d’éternité. On ne peut vivre cela tout seul : l’événement est cosmique et doit être vécu en communion avec l’humanité totale. C’est pourquoi nous célébrons ce soir cette Eucharistie ensemble.

Noël retentit dans notre coeur de chrétiens avec une formidable actualité, lorsque nous pensons à la Terre Sainte notamment. Et comme nous devons prier pour que se réalise en plénitude le programme et l’oeuvre de cet Enfant qui est né, de ce Fils qui nous est donné, et que le Père lui-même nous présente comme étant Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu fort, prince de la paix.

Oui, que se réalise enfin la grande prophétie d’Isaïe: « La paix sera sans fin… voici venir le salut pour tous les peuples. » Oui, cette nuit la tendresse de Dieu a pris visage humain, un Dieu s’est fait enfant de notre terre pour faire de nous les enfants de son ciel. Toute la foi des grands saints d’Israël se murmure devant une crèche et toute la sagesse des antiques païens, comme étourdie par l’inimaginable, s’agenouille devant un enfant : le Prince de la Paix inaugure aujourd’hui son royaume des pardonnés de l’amour.

Alors il est bien normal que partout dans le monde, des hommes relèvent la tête vers le ciel pour lui crier leur espérance. Une réponse en retour vient toucher leur coeur meurtri par la vie ou par la souffrance physique ou morale, et pendant que certains tentent d’oublier leur malaise dans l’agitation des boîtes à grand spectacle, cette nuit, partout dans le monde, des croyants comme vous et moi se sont mis en prière pour adorer l’insondable mystère.

Depuis cette nuit où Marie couchait Dieu Lui-même dans la mangeoire d’une étable, Dieu s’est fait le plus proche, le prochain de chacun : des humbles bergers jusqu’aux savants rois mages, tous désormais, tous pourront s’approcher d’un Dieu qui s’est fait fraternel, et la grotte méprisée des orgueilleuses maisons de Bethléem devient le coeur du monde, comme l’épicentre d’un prodigieux séisme qui secoue la terre entière pour inonder le monde de sa grâce et le laver enfin du vieux péché.

« Ah! Seigneur, si Tu déchirais les cieux et si Tu descendais, les montagnes fondraient, les océans se dessécheraient », gémissait le prophète Isaïe! Et bien c’est fait : Il est descendu et les montagnes n’ont pas fondu et les océans ne se sont pas desséchés parce qu’Il a voilé sa puissance pour ne toucher que le coeur d’une jeune fille d’Israël par un rayon de sa tendresse et de son Amour!

Mais qu’avons-nous fait de la paix promise? Nous avons voulu entonner l’internationale d’une fraternité humaine qui ne peut pas être, puisqu’on a commencé par liquider l’unique paternité qui seule pouvait la fonder. Et c’est à nouveau la division d’une humanité qui n’a jamais autant parlé de respect, de fraternité, et qui ne s’est jamais autant entre-tuée que durant le siècle dernier ! Et, hélas, le 21ème siècle à peine commencé nous semble bien l’exacte et tragique copie-conforme du précédent !

Oui, il est temps de rendre Dieu à notre pauvre monde et de rendre notre pauvre monde à son Dieu. Parce que Jésus qui nous est offert ce soir veut être le Prince de la Paix, et ce n’est pas pour rien que dès son entrée dans notre pauvre monde, c’est la paix qu’il nous promet par le chant des anges : « Paix sur la terre aux hommes qu’Il aime, c’est-à-dire aux hommes de bonne volonté ». Et le soir même où il est livré, à l’autre bout de sa vie, c’est encore de Paix qu’il nous parle : « Je vous laisse la Paix, je vous donne Ma Paix »… et nous le répétons à chaque messe depuis 2000 ans ! Oui, Comment peut-on encore tellement se battre sur notre si belle, et si petite planète bleue, et qui pourtant est une princesse dans tous les univers, puisque ce soir c’est de sa terre que Dieu a voulu prendre corps !

Ah oui, vraiment : Noël, la naissance du Prince de la Paix, ce n’est pas pour moi une fantaisie liturgique, ou du folklore sentimental, non ! parce que depuis Noël et à cause de Noël, on a vraiment le droit d’espérer un règne d’amour, de justice et de paix, mais aussi on comprend chaque jour davantage qu’on n’a plus le droit de penser la paix en terme de « bien commun » égoïstement et souvent homicidement nationaliste.

Non, la paix est une aspiration et un droit inaliénable de tous les hommes! Mais la paix qui nous est promise ne peut passer que par la conversion du coeur de l’homme, du coeur de chacun, du vôtre comme du mien. Il n’y a de paix possible que si chacun sait regarder l’autre pour ce qu’il est : un frère en humanité … et mieux encore : un fils de Dieu… et non pas comme un concurrent pour son prestige, ou un danger pour ses voracités débridées. Et c’est Dieu, et Dieu seul, qui peut donner à l’homme ce coeur nouveau. Il l’a promis, Il est fidèle en ses promesses, Il les tiendra: « J’arracherai votre coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair. »

Alors voilà le Noël de beauté et de joie que je vous souhaite à tous en cette nuit sacrée ! Je vous souhaite à tous et à toutes un cœur nouveau, un coeur de chair : donc un coeur qui sache encore aimer, ou aimer de nouveau, ou aimer encore mieux. Je souhaite que, chacune et chacun, nous comprenions que la paix est notre affaire à tous. Il n’est pas demandé à une goutte d’eau de féconder le désert, mais si toutes les gouttes d’eau se mettent ensemble, alors naîtra un gigantesque arc-en-ciel et il n’y aura plus de terres arides. Oui, si chacun de nous s’y met, alors bien sûr que la paix universelle retrouvera toutes ses chances.

Alors mes chers frères et sœurs : Joyeux Noël! Joyeuse Année Nouvelle! Joyeuse Paix! Paix dans les coeurs troublés, paix dans nos foyers, dans nos milieux de travail; que s’apaise la douleur de ceux qui souffrent dans leur cœur ou dans leur corps ; paix dans nos communautés civiles, paroissiales ou religieuses; paix entre les nations : Paix et Joie de Dieu sur la Terre ! Amen.

 

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