Messe de l’Epiphanie du Seigneur

 

Abbé Bernard Miserez, à l’église de la Tour de Trême, le 3 janvier 2010
Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6; Ephésiens 3, 2-6; Matthieu 2, 1-12 – Année C

Il y en aura eu du monde à l’étable de Bethléem. Les bergers, les voisins, les curieux peut-être. Et ce matin,  alors que tout semblait se passer dans la simplicité et la discrétion, entre pauvres, voici des visiteurs étranges, des mages qui arrivent du plus lointain de l’Orient. En plus, ce n’est pas le hasard qui les a conduits jusque-là.

  Non, à  force de scruter le ciel et d’attendre des signes, ils ont vu se lever une étoile. Alors, ils se sont mis en marche comme des hommes qui espèrent ce que nous espérons, toutes et tous d’ailleurs.

N’est-ce pas du plus profond de nous que surgit le désir de vivre, de devenir nous-mêmes, de risquer notre humanité vers plus de vérité ? Où que nous soyons, quelle que soit notre histoire, nous sommes tous portés par le désir de vivre plus. Aujourd’hui, vous le savez, elles sont nombreuses les suggestions qui offrent des recettes du prêt-à-porter comme s’il suffisait de quelques clics pour être humain et devenir soi-même.

Les mages donc empruntent ce long chemin que nous connaissons bien. Nous y vivons nos existences, nos rencontres, nos épreuves,  nos doutes ou  nos révoltes,  nos joies aussi et notre bonheur. Avec tout cela, il faut marcher, avancer jour après jour. Pour les uns, c’est vrai, le poids de la vie est si lourd, pour d’autres, la vie est une saveur, une aventure à risques, toute remplie de désirs. Pourtant, nul n’échappe à la question du sens.

Mais, la route des mages va passer par Jérusalem. C’est la capitale religieuse et politique du pays. Tous les pouvoirs y sont concentrés. C’est le lieu où l’on sait ou plutôt où l’on croit savoir. Hérode dévoile sa fragilité devant l’énigme des mages. Tourmenté, il affiche son inquiétude face à la naissance de cet Enfant de Bethléem. Quant aux chefs des prêtres et aux scribes, nous l’avons entendu, ils ne se déplacent pas. Ils campent sur leur certitude, à Jérusalem, enfermés dans un univers pétrifié et sans vie. Imaginons un seul instant, mes amis, ils auraient pu en rester là les mages, aux côtés des puissants et des savants. D’ailleurs, n’est-ce pas ça, le piège qui entrave toute quête et qui met fin à l’élan de nos désirs ? Quand mes possessions, mon savoir, mon pouvoir nourrissent mes suffisances et me donnent l’illusion de réussir ma vie, je m’incruste moi aussi dans mes sécurités et mes habitudes. Quand ma piété, ma religion me donnent à croire que je suis meilleur que les autres, plus vertueux, plus spirituel ou que sais-je encore, je n’avance plus. Je végète.

Retrouvons les mages, si vous le voulez bien, et reprenons le chemin : direction Bethléem ! C’est là que l’étoile les conduit jusqu’auprès de l’Enfant et de Marie, nous dit l’Evangile. Quelle rencontre ! Inattendue, stupéfiante pour les mages et  Marie ! En se prosternant devant ce nouveau-né,  ils s’en remettent totalement et avec confiance à Celui qu’ils reconnaissent comme Sauveur du monde. La quête de ces hommes trouve dans ce Sauveur unique son accomplissement. Non seulement, ils nous disent que Dieu, dans cet Enfant, tient sa promesse en manifestant le Salut à l’humanité entière, mais bien davantage, ils accueillent pour eux-mêmes cette Nouvelle surprenante, celle d’être sauvés pour assumer pleinement leur humanité telle qu’elle leur est donnée de vivre.

C’est cela la fête de l’Epiphanie : En devenant l’un de nous, en Jésus de Nazareth, Dieu se manifeste, Il donne à voir, à toute l’humanité, son dessein, c’est-à-dire, le salut pour tout homme. Rappelez-vous, pendant le temps de l’Avent, c’est bien ce que nous avons entendu. Tout homme verra le salut de Dieu ! Et à Noël, c’est bien ce que les bergers, eux aussi, ont perçu dans le message des anges: aujourd’hui vous est né un Sauveur. Autrement dit : Dieu, en se faisant homme, nous sauve de nous-mêmes pour nous donner part, et pour l’éternité, à sa Vie de Dieu. Il n’y a que Son Amour  qui puisse accomplir un tel projet. Ainsi, ce matin, frères et sœurs, cette rencontre avec le seul Roi de toute cette histoire est déjà un don incomparable pour chacune de nos vies. Dans la Parole célébrée, dans le Pain partagé, en communion avec vous qui partagez l’action de grâce de là où vous nous écoutez, nous recevons la Vie de Dieu ensemble pour humaniser notre désir de devenir nous-mêmes en nous sachant sauvés par l’infini de Cet Amour infini.

Tenez, il suffit de regarder les mages. Que font-ils ? Au-delà des mots, dans leur adoration, ils déposent devant l’Enfant les présents accompagnants le secret de leur désir :

Il y a l’or, parce que cet Enfant est Roi du monde
L’encens, parce qu’il est Dieu devenu homme
La myrrhe, parce que c’est dans sa mort et sa résurrection qu’Il révélera le Salut pour tous.

L’humilité de ces hommes de désir les conduit désormais sur un autre chemin. Témoins émerveillés, ils vivent autrement, comme des sauvés en Jésus, le Christ qu’ils ont reconnu. Comme tant de femmes et tant d’hommes, à travers les âges et tout près de nous, ils se sont risqués à devenir Homme en Celui qui les sauve. Toute l’aventure de la foi chrétienne trouve ici son accomplissement. Seulement, il ne s’agit pas de croire ou d’imaginer que le salut est une affaire individuelle ou personnelle. Le salut donné par le Christ est sans frontières. Il est donné à tout homme qui l’accueille.

Au moment où nous échangeons encore des vœux, en ce début de l’an, que notre désir, les uns pour les autres, suscite toutes nos énergies, notre courage et notre audace peut-être. Alors, nous reconnaîtrons dans le regard de nos sœurs et de nos  frères du monde entier la fameuse étoile, celle que les mages ont suivi, humble signe de la présence du Sauveur. Amen

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *