Messe de l’Epiphanie du Seigneur

 


Abbé Marc Donzé, le 4 janvier 2009, à l’église de Châtel-St-Denis, FR
Lectures bibliques :
Isaïe 60, 1-6; Ephésiens 3, 2-6; Matthieu 2, 1-12  (Année B)

 Epiphanie : quel drôle de nom pour désigner la visite des mages à Bethléem, venus adorer l’enfant Jésus.
Un nom étrange, mais plein de significations. Il vaut la peine de le « dicoder » un peu.

Épiphanie ; du grec epi-, qui veut dire sur, dessus, au-dessus. Et –phanie, qui signifie ce qui se montre, ce qui se donne à voir, ce qui se manifeste, ce qui paraît. Donc, épiphanie veut dire « ce qui se manifeste dessus » ; en général sous mode de lumière.
Exemple : vous rencontrez une personne très généreuse, pleine de sagesse et d’amour comme Jean Vanier, sœur Emmanuelle ou l’abbé Pierre.  Elle vous regarde, elle vous sourit, elle vous parle peut-être. Sur son visage, vous apercevez comme une lumière, tellement douce et tellement pleine qu’elle a l’air de venir de plus loin qu’eux. Une lumière divine se manifeste sur leur visage : petite épiphanie.
Et point n’est besoin de rencontrer des personnes célèbres en sainteté pour cela. Quand je rends visite à mon ami Olivier, une personne avec un handicap mental, je suis accueilli par son sourire, sa joie toute simple, son entrain. C’est toute une lumière venue de bien plus loin qu’Olivier qui se porte à ma rencontre. Petite épiphanie, là aussi.

Ces expériences, que chacun peut vivre, me font penser à cette parole de Maurice Zundel : « Dieu transparaît plus qu’Il n’apparaît ».
Dieu transparaît en chaque personne qui se laisse habiter par son amour, par sa lumière, par sa force. Comme une lumière sur le visage, Dieu transparaît en Jean Vanier comme en Olivier. Il peut transparaître sur le visage de chacun de nous à la mesure de l’amour et de la sagesse profonde dont nous vivons. Il peut transparaître même dans chaque homme de bonne volonté qui ne le connaîtrait pas, car il n’est pas forcément nécessaire de connaître la source de la lumière pour vivre de la Lumière.
D’une certaine manière, nous sommes responsables de la transparence de Dieu autour de nous. Notre visage, notre allure, nos gestes peuvent être revêtus de lumière. Ils peuvent devenir épiphaniques. Et cette clarté épiphanique a une propriété bien particulière : elle ne vient pas de l’extérieur comme d’une espèce de spot divin qui nous éclairerait. Au contraire, elle va du dedans vers le dehors. C’est la lumière, l’amour, la simplicité de notre cœur qui viennent s’inscrire sur notre visage, avec nos grandeurs et malgré nos limites.

  Il existe une Epiphanie plus pure et plus claire que toutes les autres : celle de Jésus, Fils de Dieu, bien sûr. Car le cœur de Jésus n’a pas d’ombres, ni de limites; il est parfaitement accordé au cœur de Dieu. L’esprit de Jésus ne recèle pas de ténèbres, ni de mensonges; il est parfaitement accordé à la lumière de Dieu. C’est pourquoi, la lumière qui se donne à voir discrètement sur le visage du Christ est la vibration même de la Lumière divine : Epiphanie des épiphanies; transparence des transparences.

Le petit enfant Jésus rayonne donc d’une aura magnifique et discrète. Mais, évidemment, il ne rayonne pas dans le vide. Il y a épiphanie pour qu’il y ait rencontre. Jésus rayonne pour tous ceux qui consentent à le voir. Il en est qui ne sauront pas le voir : ceux qui ont les yeux injectés du sang des pauvres comme Hérode le tyran, comme tous les sanguinaires d’aujourd’hui, et même comme les inconscients qui ne voient pas que leur recherche maximale du profit laisse finalement des blessés et des morts au bord de la route. À ceux-là, il faudra un jour une conversion du regard.
Les bergers de Bethléem, eux, surent voir : ils furent éblouis et consolés par la douce et pure lumière qui émanait de la crèche.
Les mages surent voir, eux aussi. Car ils avaient le désir d’une lumière nouvelle dans le monde. Par cette attitude de recherche, ils nous apprennent quelque chose d’important : pour voir la transparence de Dieu, l’épiphanie de Dieu sur le visage de Jésus comme sur le visage des justes d’aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir le profond désir d’un monde nouveau, d’une harmonie nouvelle.
Avec leur désir, les mages scrutèrent les astres. Pourquoi pas ? Ne sont-ils pas une manifestation de l’infinie sagesse de Dieu. Quand ils virent l’étoile nouvelle (ou une conjonction nouvelle des astres), ils se mirent en voyage jusqu’à Bethléem. Et à la crèche, ils virent du plus profond de leur être que la lumière qu’ils avaient vue se lever dans leur cœur était bien présente dans sa force et sa subtilité sur le visage de l’enfant Jésus. Humble et limpide Epiphanie. Par leurs cadeaux, par leurs gestes d’adoration, ils reconnurent que la Lumière de Dieu en Jésus n’était pas là seulement pour quelques bergers de Bethléem, mais qu’elle était présente pour tout l’Orient, pour l’humanité entière et même pour le cosmos tous entier.

Avec les mages, j’aimerais vous laisser une question et une mission.

La question : avons-nous vraiment le désir d’une lumière nouvelle ? Alors, nous la trouverons, de façon subtile, sur le visage des justes d’aujourd’hui.

La mission : nous sommes responsables de la transparence de Dieu. Il faut que nous soyons dignes de cette responsabilité, car nous sommes, à notre mesure, épiphaniques.
Amen.

 

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