Messe de l’Epiphanie

 

Chanoine Charles Neuhaus, le 6 janvier 2008, à l’abbaye de St-Maurice
Lectures bibliques :
Isaïe 60, 1-6; Ephésiens 3, 2-6; Matthieu 2, 1-12- Année A

« Le petit-fils de Rabbi Baruch, le jeune Jechiel, jouait un jour à cache-cache avec un autre garçon. Il se cacha bien et attendit que son camarade le cherche. Lorsqu’il eut attendu longtemps, il sortit de sa cachette, mais l’autre n’apparaissait nulle part. Alors Jechiel réalisa que son camarade n’avait même pas commencé à le chercher. C’était là une bonne raison de pleurer. Tout en larmes, il courut au logis de son grand-père et se plaignit de la méchanceté de son compagnon de jeu. Alors les yeux de Rabbi Baruch, coulèrent à flots et il dit: « C’est ainsi que Dieu aussi nous parle: je me cache, mais personne ne viendra me chercher. »
Benoît XVI, auparavant, Joseph Ratzinger cite cette petite histoire en ouverture d’un livre de méditations sur le temps de Noël. C’est une histoire racontée par un philosophe juif, Martin Buber.

En lisant cette petite histoire, je me suis souvenu des parties de cache-cache dans le village de mon enfance, dans le pays de Fribourg, les soirs d’été. On jouissait d’un terrain de jeu magnifique dans les granges, les remises des fermes du village. Les possibilités de se cacher, sans pour autant être introuvables, étaient nombreuses. Quand on avait trouvé un camarade, on criait son nom. Quand on avait été repéré on sortait de sa cachette pour se faire voir: le chercheur avait vu juste. Quand on avait de la peine à nous trouver, on donnait quelques signes, ou d’autres camarades donnaient des indices pour encourager la recherche. Il arrivait que celui qui comptait abandonne la recherche, par lassitude ou par indifférence. Alors celui qui était caché était déçu de n’avoir pas été trouvé.
Voilà des propos bien terre à terre, voire même futiles, en ce jour de la grande fête de l’Epiphanie, rappel de la visite à l’Enfant-Dieu de Bethléem, par ces savants personnages que sont les mages venus d’Orient. Et pourtant j’ose user de cette parabole du jeu de cache-cache pour ma réflexion, puisque, « un chrétien peut y trouver à parcourir tout le mystère de Noël » écrivait le cardinal Joseph Ratzinger.

Ainsi arrivant à la fin du temps de Noël je me demande avec vous : « Avons-nous trouvé Dieu, avons-nous découvert un nouveau visage de Dieu? » Ce temps de Noël, comme le chante un ancien cantique, nous livre un profond mystère. Avons-nous pris du temps pour le chercher ? Ce n’est pas facile dans le tourbillon de ces festivités de fin d’année. Mais il est encore temps de le faire aujourd’hui, au cours de cette heure où nous sommes ensemble.
Car pour nous chrétiens, c’est bien cela qui compte : que les fêtes de Noël nous annoncent une Bonne Nouvelle, nous transmettent une grande joie : Dieu vient habiter chez nous, sur notre terre. Toute la liturgie de ce temps de Noël nous parle des manifestations de Dieu, des épiphanies de Dieu. Nous sommes appelés à les reconnaître.
Mais est-il vraiment au milieu de nous ou n’y était-il pas ? Un cantique d’Isaïe, à l’office du matin de ce vendredi commençait pas ces mots : « Vraiment tu es un Dieu qui se cache, Dieu d’Israël, Sauveur. » Alors veut-il se faire connaître, oui ou non? Pour trouver la réponse, il nous faut accepter d’entrer dans ce jeu de cache-cache, dans son jeu. Ce n’est pas pour se jouer de nous que Dieu se cache, mais pour que nous le cherchions, non pas à la légère, mais avec tout notre cœur.

Vraiment, notre joie serait grande si nous pouvions dire au terme de ce temps de Noël : « J’ai trouvé Dieu; je l’ai reconnu; il s’est dévoilé; il y a un peu moins de ténèbres en moi ». Et il y aurait aussi de la joie dans le ciel. C’est la joie que la liturgie de cette fête de l’Epiphanie veut susciter en nous. Elle nous rappelle ce qui est advenu aux mages :
« Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une grande joie. »
Nous tous ici, dans cette basilique, ou au-delà de ces murs, nous venons de vivre le temps de Noël, dans la joie ou dans la peine, en famille ou seul. « Je me cache, dit Dieu, mais personne ne viendra me chercher. » Alors êtes-vous d’accord de vous laisser conduire par ceux qui l’ont cherché et qui l’ont trouvé.

Dans ce jeu de cache-cache du temps de Noël, celui qui se cache, c’est Dieu l’invisible, l’indicible, celui qui est dans les cieux. Ceux qui sont invités à entrer dans le jeu, ce sont Marie et Joseph, les bergers, les mages. Ce qui les met en route, c’est l’ange Gabriel, ce sont les anges de la nuit de Bethléem, c’est l’étoile. Ce sont des signes qui viennent d’en-haut, qui viennent du ciel.
Marie qui était enceinte et Joseph se mettent en route vers Bethléem, à cause d’un édit de César-Auguste; les bergers se disent entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître ». Les mages venus d’Orient s’arrêtent à Jérusalem et demandent : « Où est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui ». Ce sont les démarches de ceux qui cherchent.

Pendant le temps de Noël, nous devenons familiers de ceux qui sont partis à la recherche de ce qui leur était annoncé. Nous les voyons accueillir les signes qui les interpellent, quitter leurs occupations pour aller voir ce qui était arrivé; nous les voyons repartir en chantant leur admiration ou en prenant un autre chemin. C’est que, entre temps, ils ont trouvé l’enfant qui venait de naître, couché dans une mangeoire, dans les bras de Marie. Et ils connurent le grand mystère qui se cachait en cet enfant. Il a été dit aux bergers : « Aujourd’hui, vous est né un Sauveur : il est le Seigneur, le Messie ». Il a été manifesté aux mages de l’Orient qu’un roi était né en Israël. « Où est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile. » Oui, Dieu est venu habiter chez les hommes pour qu’ils puissent le trouver.

Avec vous, ce matin, je me souviens de tous ces signes que nous donne la liturgie de ce temps de Noël. Dieu se cache, mais il se laisse trouver. Il est dans les cieux, c’est-à-dire bien au-delà de notre intelligence, mais il est descendu vers nous pour devenir visible dans l’enfant de la crèche. Pourquoi ne se fait-il pas connaître comme le roi de l’univers ? Il choisi de se manifester ainsi par amour pour nous, pour que nous ne soyons pas forcés à plier le genou devant lui, mais pour que nous le découvrions avec un cœur aimant, lui donnant librement notre adhésion.

Pour trouver Dieu qui se fait proche de nous, il faut nous mettre en route, changer de place, comme les bergers qui ont cru ce que les anges leur ont annoncé. Dieu a caché sa toute-puissance dans un enfant pour que nous n’ayons pas peur de lui. Pour nous approcher de cet enfant il faut se baisser, se pencher, c’est-à-dire se faire humble. Pour trouver Dieu, nous dit ce temps de Noël, il nous faut chercher ou reconnaître l’étoile qui fera naître le désir de la lumière. Elle nous conduira au Christ qui est la vraie lumière comme elle a conduit les mages auprès de l’Enfant-Dieu.

 

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