Messe de l’Ascension

Abbé André Duruz, à l’église Saint-Pierre, Boudry, NE

Lectures bibliques : Actes 1, 1-11; Hébreux 9, 24 à 10,23; Luc 24, 46-53

Beaucoup d’entre nous ont fait cette expérience de perdre un être cher : un papa, une maman, un frère, une sœur, un époux, une épouse, un ami qui a toute notre confiance. La douleur est d’autant plus grande si le départ est tragique ou tout à fait imprévu. Il nous faut des semaines, parfois des mois, pour faire le deuil : accepter de le laisser partir, ne pas vouloir le retenir à soi, vivre de son souvenir tout en accueillant son absence, trouver une nouvelle manière d’exister, faire confiance à la vie, créer des liens nouveaux.

Il me semble que les premiers disciples ont dû expérimenter quelque chose de semblable lorsque leur ami Jésus de Nazareth, s’en est allé tragiquement, suspendu au bois de la Croix. Il leur a fallu quarante jours – chiffre symbolique d’un long temps – pour accepter de perdre la présence visible de Jésus à leurs côtés. L’Ascension marque cette distance infranchissable d’une séparation. Ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux.

Et pourtant, l’Evangile de ce jour nous dit qu’après cette séparation les disciples s’en retournèrent à Jérusalem, remplis de joie. Et ils bénissait Dieu. Que s’est-il passé? Les disciples instruits par Jésus et dans l’Esprit Saint commencent à réaliser que leur ami Jésus ne cesse pas d’être avec eux. Il leur est présent, mais dans l’invisibilité. Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit saint qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre. Le témoin est celui qui a vu. Il y a donc une manière de voir Jésus qui ne relève pas de nos yeux de chair, mais du regard de l’Esprit saint en nous. Si nous nous laissons conduire par cet Esprit, alors nos yeux s’ouvrent. Notre cœur se remplit de joie et nous pouvons bénir Dieu, dire du bien de son amour manifesté aujourd’hui en Jésus qui accompagne notre histoire.

L’Ascension ouvre ce temps qui dure jusqu’au retour du Christ à la fin du monde, ce temps où il nous faut sans cesse passer de la tragique absence à la mystérieuse présence. En effet, au premier regard, nous sommes souvent frappés par les souffrances, les injustices et les douleurs dans nos vies, dans notre monde, dans l’Eglise. Et si souvent, nous nous lamentons : Où allons-nous? Dieu m’a-t-il oublié? Pourquoi tant de difficultés? S’il y avait un bon Dieu, ça ne se passerait pas ainsi. Et même dans l’Eglise, il y a bien des misères. Le croyant ne met pas une paire de lunette rose pour nier la réalité dure qui est à vivre, mais il découvre au cœur de ce monde le souffle de l’Esprit de Jésus, capable de lui donner des énergies nouvelles. Cette expérience n’est jamais faite une fois pour toutes, mais elle se renouvelle au jour le jour. Notre mort seulement nous donnera la présence face à face dans la lumière.

Pour l’instant il nous faut cheminer. Mais comment? Jésus leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem et d’y attendre ce que le Père a promis. Pour Luc, l’auteur des Actes des apôtres, Jérusalem est le lieu de l’Eglise naissante, de la première communauté. Ne pas quitter Jérusalem signifie donc s’enraciner dans la communauté pour y recevoir l’Esprit saint promis par le Père. Pour voir le Christ à l’œuvre aujourd’hui, nous avons besoin d’une communauté chrétienne dans laquelle nous apprenons à regarder notre vie à la lumière de la parole de Dieu. Souvent dans nos paroisses, nous sommes pris par la nécessité d’organiser tellement d’activités que nous risquons de ne pas prendre le temps indispensable pour relire nos vies, ensemble dans la foi. Heureusement qu’il y a ce moment privilégié de l’Eucharistie où je reçois une parole de Dieu commentée et le pain qui fait vivre. Mais il faut plus, un lieu de partage fraternel.

Vous me direz peut-être : moi je suis condamné à la solitude, je vous écoute par la radio, mais quel frère, quelle sœur viendra jusqu’à moi pour un temps de partage ? Non, ne restez pas seuls. Faites signe à un aumônier ou à une communauté chrétienne proche de chez vous, demandez qu’on vienne vous voir. Ou alors, si vous êtes reliés à Internet, vous trouverez des sites merveilleux. Ils vous commentent la parole de Dieu, vous permettent de faire retraite en étant guidé par un père spirituel qui dialoguera avec vous. Il nous faut tous rejoindre notre Jérusalem, notre communauté de foi. Jésus nous le demande.

Enfin l’Ascension de Jésus est une immense marque de confiance du Seigneur à l’égard de chacun de nous. « Vous serez mes témoins ». Il sait bien nos limites et nos faiblesses et pourtant il nous envoie jusqu’aux extrémités de la terre annoncer cette bonne Nouvelle : la vie est plus forte que la mort; l’amour est vainqueur de toute haine. Ainsi, après avoir redécouvert en communauté la présence mystérieuse du Christ au cœur de nos vies, nous sommes renvoyés à notre quotidien. Espérons que nos gestes, nos paroles, notre sourire, notre ouverture, notre amitié parleront de l’humble présence qui nous habite.

Amen.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *