Messe de l’Ascension

 

Père René Garessus, à l’église d’Evolène, VS, le 20 mai 2004.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 1, 1-11; Luc 24, 46-53

Frères et Soeurs,

 

En quoi l’élévation ou l’exaltation du Seigneur auprès de son Père, nous concerne-t-elle ?
Vu d’ici, en ce lieu entouré de montagnes, et en ce jour qui s’ouvre, en pleine semaine, sur la perspective d’un week-end prolongé, synonyme de congé, l’Ascension pour beaucoup, est l’occasion de s’adonner, surtout au printemps, à des sorties en montagne, à la découverte des sommets.

 

Pourtant la fête de l’Ascension est dans la liturgie chrétienne, un sommet tout aussi prestigieux comme peuvent l’être les fêtes de Noël, Pâques ou de la Pentecôte.

En tout cas, un sommet de la vie chrétienne qui mérite même que le jeudi de l’Ascension soit jour férié.

 

Seulement, si nous avons le sentiment que les autres grandes fêtes, comme Noël et Pâques, nous concernent tous en tant que croyants, l’Ascension, il faut bien le dire, ne nous laisse la plupart du temps, qu’une vision d’un Jésus s’élevant de terre et disparaissant derrière les nuages.

Tandis que nous, notre condition mortelle nous fait retourner à la terre pour « redevenir poussière » !

Déjà, selon le récit que fait Luc de l’Ascension, les Apôtres étaient là perplexes et désemparés. Il faut dire que ce n’était pas le premier choc qu’ils subissaient ; dans la foulée de Pâques, des événements inouïs s’étaient succédés…

 

D’abord, la découverte du tombeau vide… Et les paroles seules de l’ange ne suffiront pas à susciter la foi des disciples au Christ ressuscité.

Puis les apparitions elles-mêmes : à Marie-Madeleine qui prend Jésus pour un jardinier, aux disciples d’Emmaüs qui ne reconnaissent pas immédiatement celui qui marche à leurs côtés, et à Thomas qui veut voir de ses propres yeux avant de croire au témoignage des autres, tout cela, même après vérification, ne porte pas immédiatement à l’enthousiasme et à la joie. Voilà qui ébranle et désarçonne forcément.

 

Jésus de Nazareth, en qui ils avaient mis leur foi, ne disparaît pas moins à leurs yeux, les laissant seuls, le nez en l’air, les bras ballants… Lui qui avait été là pour les instruire et les guider, pour une ascension qu’ils avaient espérée tout autre, avec comme premier de cordée, celui qui devait les mener sur des chemins de gloire, le voilà qu’il s’en va; et eux stupéfaits, entraînés dans l’abîme de la disparition d’un être cher, restent là à contempler… l’horizon d’un ciel bouché.

A dire vrai, en partant, il leur avait confié une mission, une mission sans précédent :

« Soyez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre »,

à eux une poignée d’hommes et de femmes, simples et sans moyens !
Avouez qu’il y avait de quoi rester pantois et de baisser les bras. Pour retrousser les manches et reprendre pied, il leur faudra entendre ceci :

« Pourquoi rester vous là à regarder le ciel ? Jésus reviendra… »

Dès lors, comme en écho vont résonner en eux les paroles du Christ:

« Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde… Vous recevrez une force…l’Esprit Saint viendra sur vous…. » .

Cela ils l’ont entendu non seulement au jour de l’Ascension, mais bien quand le Seigneur manifestait en eux et avec eux sa présence comme jamais sur les chemins du monde, de la Palestine jusqu’aux pourtours de la Méditerranée, le monde d’alors.

Tout cela, grâce à la disponibilité de ces hommes et au Christ dans sa Gloire que ne limitait plus sa condition humaine

Dès lors, l’Ascension du Seigneur, son élévation et son exaltation dans la Gloire auprès du Père, prenaient tout son sens.
Et pour nous, frères et sœurs, que signifie cette Ascension du Seigneur ? Que faire encore de nos valeurs chrétiennes et de nos pratiques religieuses ?

Comment y prêter foi, alors que pour le monde qui nous entoure, elles semblent de plus en plus dépassées. Faut-il prêter foi, à une image d’Epinal du Seigneur qui monte dans les airs ? De toute façon, nous faisons l’expérience amère parfois, du petit nombre sur le chemin de la foi. A se demander vraiment, si le Seigneur n’a pas disparu définitivement le jour de l’Ascension, nous laissant nous débrouiller tout seuls avec nos problèmes.
Nostalgie… nostalgie quand tu nous tiens… !

Nostalgie du passé…quand nos églises étaient pleines à craquer et que nous chantions en chœur :

« Je m’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu, la joie de ma jeunesse » (!)
S’il faut parler du passé, alors parlons-en, sans oublier ce que relatent tous les récits mentionnant la rencontre du Christ ressuscité.

Sans oublier donc, la Parole de Dieu, celle de son Envoyé, qui nous envoie à notre tour. Car sa rencontre ne peut être l’apanage d’une poignée de privilégiés, fussent-ils pétrifiés dans la contemplation de celui qui disparaît à leurs yeux.

La Bonne Nouvelle doit prendre la route pour être communiquée, elle est un trésor qui doit être mis à la disposition de tout être humain en quête d’espérance. Il nous faut donc résolument sortir des sentiers battus pour aller à la rencontre de l’autre. Comme quand les apôtres, après moult hésitations, se sont dirigés vers les païens, sans plus exiger d’eux qu’ils se fassent disciples de Moïse avant d’être disciples du Christ.

 

Comment dès lors s’engager sur ces chemins sans hésitations, sans prendre le risque d’être accusé aujourd’hui de prosélytisme, de vouloir faire de ceux qui sont autres, qui ne prient pas comme nous, ou qui ne prient pas tout simplement, des adeptes Ȃ ?
Il ne s’agit pas d’abord d’adhérer à une doctrine, d’être adeptes, mais « sympathisants » à la découverte d’une personne, le Christ, pour partager un bout de chemin ensemble, celui de la rencontre et devenir disciples, en toute liberté et respect de l’originalité de chacun.

Le disciple est celui qui met ses pas dans les pas du Seigneur, notre guide, sur les chemins escarpés de la vie, un Maître qui ne nous appelle plus serviteurs, mais amis !
Oui, l’Evangile d’aujourd’hui pour être communiqué à besoin d’amitié, et notre ami à tous, le Christ, à besoin de nous ses amis pour aller à la rencontre de l’autre.
C’est donc à une histoire d’amour que nous sommes conviés, et comme les amoureux nous avons le droit de planer par moments, mais il nous faut bien revenir sur terre. Si cette histoire nous dépasse, nos manques et nos fragilités ne peuvent être indéfiniment invoqués…
L’Esprit Saint qui nous est promis, la force de Dieu, vient à notre rescousse pour nous donner « du souffle » et suppléer ainsi à tous nos manques.
Qu’en serait-il aujourd’hui de l’Evangile, si l’ Esprit Saint n’était pas intervenu pour en favoriser la diffusion, pour que la Bonne Nouvelle atteigne le plus rapidement possible les confins du monde ?
Frères et Soeurs, le moment où le Christ quitte la terre, n’est pas un point final, mais au contraire, un début le commencement de l’histoire de l’Eglise.

Certes, il y a déjà de cela plus de 2000 ans…mais le temps de Dieu, n’est pas le nôtre. Aujourd’hui, continuons à fonder l’Eglise et à la faire grandir ensemble.

Pourquoi en serait-il autrement pour nous que pour les Apôtres ? Continuons de porter témoignage, en actes et en paroles, par une présence désintéressée et amicale auprès de ceux que nous côtoyons, sur nos lieux de travail et de vie, mais aussi auprès de ceux qui sont mis à l’écart, qui sont exclus ou oubliés, par la maladie, la dureté de la vie et tous ceux qui vivent dans une grande solitude, pour découvrir tout particulièrement en eux, la présence du Christ.

 

Rejoignons le Seigneur qui s’abaisse pour être élevé avec lui par la force de son Esprit Créateur qui renouvelle toute chose, qui renouvelle la face de la terre.

C’est un peu, comme si le Seigneur nous disait aujourd’hui, maintenant c’est à vous de continuer ce que j’ai commencé…

c’est à vous de faire l’histoire ;

mais n’ayez pas peur,

je suis avec vous,

quoiqu’il arrive,

jusqu’à la fin du monde. Amen.

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