Messe de la Toussaint

 

Abbé Xavier Lingg, à l’église de Compesières, GE, le 1er novembre 2009
Lectures bibliques : Apocalypse 7, 2-14; 1 Jean, 3, 1-3; Matthieu 5, 1-12a – Année B

Réjouissons-nous tous dans le Seigneur en cette solennité de tous les saints. Les anges du ciel sont dans la joie ! L’Eglise de la terre est en fête !
Oui, mes chères soeurs et mes frères bien aimés, chers paroissiens et amis, chers auditeurs unis à notre célébration grâce aux ondes de la radio romande, oui, cette fête de tous les saints, c’est notre fête de famille. La famille de l’Eglise, la Communion des Saints, le Corps total du Christ.
C’est pour nous l’occasion de feuilleter notre album des photos de famille. Il s’y trouve d’abord des pages remplies par un seul grand portrait, ou une série de photos concernant toutes un seul et même personnage. Sur celles-là, on va passer assez rapidement, on s’y arrêtera le jour de leur fête.

Puis viennent des photos de groupes. Sur elles, nous pouvons essayer de reconnaître tel ou tel visage, mais il y en a aussi qui se cachent derrière un plus grand, ou dont l’image est floue… et d’autres que nous ne reconnaissons plus, mais néanmoins, ils sont là, présents.
Et nous continuons à feuilleter les pages. Nous arrivons à des groupes de plus en plus nombreux. Là, il y a un ensemble de 12 photos et sur chacune, paraît-il, 12’000 visages. Mais ce n’est pas tout. L’album s’achève sur une grande photo panoramique, une foule qu’on renonce à compter. On y discerne des noirs, des basanés, des yeux bridés, des cheveux crépus, des blonds, des mains calleuses d’ouvriers et de larges fronts d’intellectuels… des femmes, des hommes venus de tout horizon, de toute nation, de toute race, de toute culture, de toute religion, de toute idéologie. Ça, c’est de loin la plus intéressante ! Dire que ce sont tous nos frères, nos sœurs, consanguins, enfants du même Père. Nous n’arrivons pas à les dénombrer et pourtant, dans le cœur de Dieu, chacun est unique. Ce n’est pas un agglomérat sans noms. Aux yeux de Dieu, chacun, chacune a une valeur inestimable ; à chacun, à chacune, le Père peut dire : « Tu es mon enfant bien-aimé ».
Voilà notre famille ! Cette grande famille que nous fêtons aujourd’hui : l’Eglise sans frontières, l’Eglise universelle. N’est-ce pas cela la « catholicité » de l’Eglise ?

Nous nous faisons trop facilement une image « réductrice » de l’Eglise. Nous lui imposons des limites. Or un de nos vieux professeurs de théologie – qui est devenu cardinal depuis, Charles Journet – ne cessait de nous répéter que « la frontière de l’Eglise passe au-dedans, au milieu de notre cœur ». En chacun de nous, il y a ces zones d’ombre, de péché, qui ne sont pas d’Eglise. Et dans tout être humain, fût-il le plus misérable, il y a ne serait-ce qu’une étincelle de lumière, par laquelle il est rattaché à la Communion des Saints.

Il me semble, mes soeurs et mes frères, que c’est cette même conviction que Jésus exprime dans ce discours solennel que la liturgie de cette fête de Toussaint nous a fait réentendre. Discours solennel s’il en est ! Jésus gravit la montagne : il s’élève, prend de la hauteur. Il s’assied, à la manière du docteur, de l’enseignant qui rassemble ses élèves autour de lui. Puis il ouvre la bouche, sa langue se délie. Il prend la parole, sa première parole publique en saint Matthieu. On sent une espèce de suspens : quel mot va sortir de cette bouche divine ? – Or le premier mot du premier discours de Jésus, c’est le même que le premier mot de la première prière du peuple de la première Alliance : « Heureux ». Jésus n’est pas venu abolir la Loi et les prophètes, mais les parfaire. Il s’inscrit dans la continuité des prophètes, et pourtant il les transcende. Tandis que le psaume déclarait heureux, en termes négatifs, celui qui ne se mélange pas aux impies… Jésus, lui, propose un bonheur positif, un bonheur qui est à la portée de chacun.
Cet homme qui se déclarait « athée », qui ne fréquentait pas nos églises, mais qui a voué toute sa vie, dans son syndicat, à la défense et à la promotion de la justice, n’est-il pas béatifié par le Christ lui-même : « Bienheureux les affamés et assoiffés de justice » ?
Cette femme abandonnée par son mari qui a élevée toute seule ses 4 enfants, assurant à chacun un avenir, ne peut-elle pas se sentir concernée par « Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » ?

Cet inspecteur de la sûreté, affecté à la brigade des mineurs, qui cherchait à dialoguer quasi amicalement avec les jeunes délinquants déférés à ses services et qui en a sauvé plus d’un en l’aidant à se réintégrer dans la société au lieu de sombrer dans la criminalité, ne mérite-t-il pas cette béatitude : « Heureux les miséricordieux… »
Et combien d’autres, dans leur famille, leur milieu de travail ou par leur engagement politique, sont artisans de paix, donc fils de Dieu, peut-être à leur insu.
Oui, c’est tous ceux-là que nous fêtons aujourd’hui. Cette immense foule humaine, avec une infinie variété, que Dieu aime et dont il fait ses enfants.
Mes sœurs et mes frères bien aimés, cette fête de Toussaint est pour nous la fête d’une merveilleuse espérance. Fête d’une solidarité sans frontières. C’est notre fête à tous, parce que Dieu nous veut « tous saints » !
Amen

 

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