Messe de la Sainte Famille

 

Abbé Léon Mauron, à l’église St-Laurent, Praroman, FR, le 29 décembre 2002.

Lectures bibliques : Ecclésiastique 3, 2-6, 12-14; Colossiens 3, 12-21; Luc 2, 22-40

Ce qui n’apparaît pas et qui est pourtant présent dans ce récit, fait par Saint Luc, c’est que Marie, Joseph, Siméon et Anne sont en fait tous des gens d’humble condition. Le Père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD-Quart-monde, voit en eux d’authentiques pauvres, annonçant la Bonne Nouvelle du Salut ! Quant à Jésus, qui a voulu naître et grandir dans une vraie famille, il nous fait comprendre que la famille est le lieu privilégié de l’apprentissage de la vie et de la préparation à la mission que chacun a à accomplir. Personne ne peut prétendre n’avoir pas besoin de famille.

J’ai découvert qu’en Bolivie des enfants de 5 ans vivent en prison, auprès de leur papa ou de leur maman incarcérés. La misère est telle qu’un parent n’a pas d’autre solution que d’héberger dans sa cellule, ses enfants, plutôt que de les laisser dans la rue. On le voit dans ces cas tragiques : la famille joue un rôle irremplaçable.

Saint Luc nous a rapporté dans son Evangile un peu de la vie de cette famille, que l’Eglise nous propose de vénérer en ce dimanche. L’enfant Jésus est porté par ses parents au temple de Jérusalem, pour être présenté à Dieu. Ainsi, il est offert d’avance ; il est venu sur terre pour accomplir pleinement la volonté de son Père du Ciel. Marie et Joseph, en accomplissant cette présentation, se soumettent à la loi de Moïse. Quelle belle leçon d’obéissance et d’humilité ! Jésus, Marie et Joseph nous montrent à quel point la foi et la confiance totale en Dieu sont essentielles pour une famille qui veut être à la hauteur de sa mission. Ils ne retournèrent pas à Nazareth, sans avoir accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, tient à préciser encore Saint Luc.

Ils sont inimitables, peut-être ! Le peu que l’on connaisse de la vie de Jésus, de Marie et de Joseph à Nazareth, ne nous empêche pas cependant de discerner en eux quelques valeurs essentielles de toute famille, telles que des relations affectueuses, une solidarité active et mutuelle, et par dessus tout l’amour, le plus fort possible, pour faire tenir debout ce fragile édifice. La liturgie de ce jour nous propose aussi le modèle d’Abraham, de sa femme Sarah et de leur fils Isaac. Or, c’est la foi d’Abraham (que Dieu ne veut pas laisser sans enfant) qui est de nouveau mise en évidence. Le Livre de la Genèse nous montre magnifiquement que Dieu ne déçoit pas les personnes qui mettent leur confiance en Lui. « Abraham eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste ». Nous devons comprendre, en ce temps de Noël, que le salut est à chercher absolument en celui que Dieu nous envoie. L’accumulation de biens terrestres ne suffit pas au bonheur. Mieux vaut se tourner vers le Seigneur. Toute prière inspirée par la foi, même brève, apporte déjà un peu de cette lumière d’En-haut qui fait regarder vers le Ciel, comme Abraham contemplant les étoiles.

L’Enfant Jésus ne tarda pas à grandir et à se fortifier, tout rempli de sagesse, la grâce de Dieu étant sur lui ; la vie familiale qu’il a eue avec ses parents, dont on sait en fait peu de choses, peut difficilement, il est vrai, servir de modèles. Les circonstances de leur vie ont fait d’eux une famille exceptionnelle. Il est permis de supposer cependant que l’amour qui les a unis a fait que l’Enfant de la crèche de Bethléem, même s’il a connu la pauvreté, a certainement dû apprécier d’avoir de bons parents, qui l’ont préparé à accomplir sa mission. C’est à travers leur geste quotidien que Jésus a appris et mûri sa mission. En grandissant dans une humble famille, il a expérimenté le dépouillement, le service du prochain, le partage. Auprès de ses parents, qui lui ont donné l’exemple, il a appris à aimer les autres, en particulier les délaissés. Le dénuement de ces 30 ans, passés à Nazareth, avec le maigre salaire d’un travailleur manuel, ont certainement fait de Jésus quelqu’un de proche des petits, des faibles et des pauvres.

Si le Père Joseph Wresinski s’est intéressé aux familles du Quart-Monde, c’est que lui aussi a grandi dans une famille éprouvée par la pauvreté et la misère. Il a voulu devenir prêtre, pour apporter l’Evangile à ses frères dépourvus de dignité, à tous ceux qui avaient vécu la même vie que sa mère. Alors, avec les familles et pour elles, il ne tarde pas à agir. « Ce n’est pas tellement de nourriture et de vêtement qu’avaient besoin tous ces gens, mais de dignité, de ne plus dépendre du bon vouloir des autres » pensait-il. Ainsi est né le grand mouvement ATD, aide à toute détresse, de refus de la misère et de soutien aux familles du Quart-Monde. « Evangéliser les plus pauvres, dit-il, comme le Christ en a donné mission à l’Eglise, devient mission de se laisser évangéliser par eux… Toute famille, si écrasée par la misère soit-elle, est, en fait, porteuse d’un message unique, celui de Jésus misérable, Jésus fait homme de la misère en toute chose, sauf le péché ». Le Mouvement ATD-Quart-Monde est animé de cette conviction : «Toute famille est porteuse d’un message d’amour à transmettre au monde, à la suite de la famille de Jésus. Tout enfant qu’il soit riche ou pauvre, est porteur d’un message d’avenir. Toute famille, tout enfant, ont une signification sans prix pour leur milieu et pour toute l’humanité, ce que notre société ne comprend pas toujours ». Puissions-nous avoir compris quant à nous que Jésus a commencé par pratiquer le grand commandement de l’amour avant de nous l’enseigner et que la famille est pour cela la meilleure école.

Malheureusement les enfants à travers le monde n’ont pas tous la chance de pouvoir grandir dans une vraie famille, protectrice et chaleureuse. On parle beaucoup ces temps-ci des enfants qui sont victimes de la violence et d’abus de la part des adultes. Nous voulons penser spécialement à eux pendant cette Eucharistie. Mais, des enfants heureux, jouissant de la chaleur de leur foyer, il en existe. Nous osons espérer qu’ils sont très nombreux et qu’ils savent apprécier la protection et la chaleur qui leur est prodiguées par des parents qui les aiment tendrement. Pouvoir passer Noël, en compagnie de papa, maman et des frères et sœurs, ne leur laissera-t-il pas un souvenir et des traces inoubliables ?

Puisse cette fête de la Sainte Famille être aussi leur fête ! Et que Jésus, Marie et Joseph, qui n’étaient pas riches, nous apprennent à chacun qu’il n’est pas nécessaire de tout avoir pour être heureux.

 

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