Messe de la Pentecôte

 

Père Jean Claude Pariat, à la chapelle des Missionnaires spiritains, Le Bouveret, VS, le 8 juin 2003.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 2, 1-11; Galates 5, 16-25; Jean 15, 26 – 16,15

Bon vent !

Tel est mon souhait en cette fête de la Pentecôte, chers amis.

 

Nous sommes rassemblés dans cette chapelle de l’Ecole des Missions. A travers de larges baies vitrées, nous apercevons un panorama s’étendant de la Plaine du Rhône au vignoble du Lavaux. Le Haut Lac s’offre à nous. Barques, bateaux et voiliers quittent le port du Bouveret. Beauté de la création et Bon vent !

 

Le Bouveret et les Grangettes s’identifient à la vie du lac. Plantes et arbres ; roseaux et chênes ; oiseaux terrestres et lacustres ; petit monde d’ici et d’ailleurs, pêcheurs et riverains, nageurs en surface de l’eau et plongeurs en profondeur, plaisanciers et hôtes.


En cette fête de la Pentecôte, le lac nous offre des images, symboles de réalités humaines et chrétiennes : la lumière, le vent, l’eau.

 

La lumière victorieuse de la nuit et des ténèbres.
Le vent agissant avec discrétion ou avec force.
L’eau épousant les couleurs des rives et du ciel.

Les trois s’associent pour nous offrir de la beauté.

 

Le lac nous offre aussi la convivialité des riverains. Quittant le port sur leur embarcation, ils le vident et se dispersent ; rentrant au port, ils le remplissent et se rassemblent.

 

Bon vent !

Mais aujourd’hui il n’y a pas de vent. Le miroir du lac est presque parfait. S’il se lève, aussitôt les voilent se gonflent et les bateaux sont libérés de leur immobilité.

 

Bon vent !

Oui, mais aujourd’hui aussi, le vent peut changer de force. La bourrasque remplace la brise. Son impétuosité grossit d’instant en instant. Les gyrophares des rives s’allument… Ils informent les navigants de l’approche d’une tempête et les invitent à rentrer le plus rapidement possible au port.

 

Ce temps de navigation commence sur des eaux calmes et se termine dans les effets précurseurs d’un coup de tabac.

Il en est ainsi de notre vie souvent ballottée par les intempéries. Nous perdons les effets de ce qui la sécurise. Soudain, nos propres capacités, le pouvoir de nos biens ou le goût de nos plaisirs ne servent à plus rien. Confrontés aux exigences de la nature, nous perdons l’insolence du chêne qui, sûr de sa toute-puissance, exprime sa complaisance envers le roseau fragile. Mais le roseau lui répondit :

« Votre compassion part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables. Je plie, et ne romps pas.
Vous avez jusqu’ici contre leurs coups épouvantables résisté sans courber le dos; mais attendons la fin.
« Comme le roseau disait ces mots, du bout de l’horizon accourt avec furie, le plus terrible des enfants que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts, et fait si bien qu’il déracine celui de qui la tête au Ciel était voisine et dont les pieds touchaient à l’Empire des Morts. »

La Fontaine est un sage ; il s’allie au bon vent de la sagesse !

 

Vent imprévisible, vent impétueux. Il force notre accord à son action inattendue ; il favorise ou interrompt notre activité ; il change notre projet… Il peut nous faire changer de cap.

 

Chêne seul et roseaux rassemblés affrontant avec résistance ou souplesse la force des vents.

 

Navigateur isolé et équipage, proches les uns des autres. Echanges et solidarité leur sont familiers. Dispersés sur le lac, rassemblés au port, les riverains vivent entre eux une vraie convivialité.

 

En cette fête de la Pentecôte, ces images nous parlent de l’Esprit-Saint et de son action.

 

Comme nous pouvons écouter le vent, chacun d’entre nous peut entendre la voix de sa conscience qui lui dit : délie tes amarres, sors du port et offre le centre de ta voilure au vent. Prends le large et avance en eau profonde ! Mais si la tornade gronde, ne soit pas arrogeant envers elle ; ne lui résiste pas stupidement ; elle ne sera pas compatissante envers toi ; rentre au port… Si nécessaire, laisse-toi secourir ; viens en aide. Vis un bon voisinage.

 

Notre existence peut être paralysée par la peur au point de ne plus oser nous exposer au vent, au bon vent. Comment déploies-tu la voilure de ton baptême ? Est-elle en bon état ? Ou déchirée ? Peut-être, crois-tu, inutilisable ? As-tu définitivement attaché ta vie de baptisé aux amarres d’une rive qui t’immobilise ? Offre à nouveau ta vie au souffle de l’Esprit comme Marie et les onze disciples de Jésus Ressuscité. Rejoins cet équipage. Tu n’es pas seul.

 

Bon vent pour toi. Bon vent pour nous !

 

Notre convivialité s’est-elle laissée emprisonner par un retrait, un isolement, une mauvaise solitude ? Ose risquer à nouveau la rencontre! Personne ne se suffit à soi-même en manifestant quelques complaisances envers les autres comme le chêne envers le roseau.

 

Aucun parmi nous n’est à l’image d’un vieux rafiot s’enfonçant dans l’eau du port, abandonné du regard de tous. Ne stagnons plus ! Nous n’avons pas encore pris le dernier bateau de cette vie. Ouvrons nos voiles à l’espérance, à l’inattendu, à l’imprévisible.

 

L’Esprit de Dieu ne peut renoncer à nous visiter. Levons nos voilures pour qu’Il les emplisse de son souffle, de sa force, de ses dons. Confions-lui aussi nos routes. Il éclaire nos choix et nos décisions. Libre et responsable, prenons à nouveau le large. L’aventure n’est plus celle d’hier mais de demain…

 

Bon vent, mes amis !

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