Messe de la Pentecôte en eurovision

 et célébration du troisième centenaire de la Congrégation du Saint-Esprit

 

 

Père Lambert Ndjana, au sanctuaire marial de Mvolyé, Yaoundé, Cameroun, le 8 juin 2003.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 2, 1-11; Galates 5, 16-25; Jean 15, 26 – 16,15

Chers frères, chères sœurs,

En me servant de ces expressions pour vous adresser la parole, j’attire d’emblée votre attention sur notre commune appartenance à la famille ecclésiale. Cette réalité familiale se situe au cœur de la fête d’aujourd’hui. En fait, nous nous réjouissons précisément d’un double anniversaire: la naissance de l’Église et la fondation de la Congrégation du Saint Esprit sous la protection du Cœur immaculé de Marie. Si tous les chrétiens ne sont pas spiritains par la profession religieuse, ils le sont tous en réalité, en raison de la complicité profonde que la vie ecclésiale et la mission spiritaine entretiennent avec l’Esprit que Jésus a promis et envoyé d’auprès du Père.

 

Cet Esprit fait l’objet du discours de Jésus que nous avons entendu à l’instant. L’évangéliste Jean écrit en effet: J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand viendra l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière (Jn 16, 12-13). Une conviction majeure se dégage de ces paroles: la situation de la communauté des disciples dépend de la présence de l’Esprit, dont la fonction est d’assurer la croissance dynamique de l’humanité vers la vérité. Un effet de cette mission de l’Esprit se recueille dans le récit de la Pentecôte. Selon Luc, l’absence de l’Esprit coïncide avec la peur de l’extérieur concrétisée par l’enfermement des disciples, alors que la compagnie de l’Esprit se ressent par le courage de sortir à la rencontre de divers peuples unis dans la même louange de Dieu. Conduire vers la vérité, c’est donc faire grandir dans l’universalité; vivre dans la vérité, c’est s’ouvrir à l’universel. Une appropriation spiritaine de cette logique de la Pentecôte se lit dans une lettre du Vénérable Père Libermann au roi Eliman de Dakar en 1848. Le deuxième fondateur des spiritains écrivait alors: «Mon cœur est aux Africains, tout aux Africains… Je veux que toute ma vie je sois occupé à faire le bonheur des hommes de l’Afrique, non seulement leur bonheur sur la terre mais surtout pour le ciel. » II invitait par ailleurs ses missionnaires en 1847 déjà, à une humble ouverture aux cultures des peuples noirs « Faites-vous nègres avec les nègres. Faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres ».

 

Cette passion missionnaire pour notre continent s’est vérifiée en «trois siècles d’histoire religieuse et missionnaire ». Selon le Père Pierre Schouver, actuel Supérieur Général des spiritains, dans une lettre adressée à toute la Congrégation à la Pentecôte 2002, « L’Afrique est le continent où la Congrégation a investi le plus au cours de son histoire. Ce continent n’est pas seulement un lieu où les Spiritains vont en mission. II est entré dans notre Congrégation avec environ 1000 membres africains. Et depuis Libermann surtout, la mission en Afrique a imprimé sa marque sur notre famille religieuse… II y a une histoire d’amour entre la Congrégation et l’Afrique… ». Nous voyons donc que entre l’époque des fondations et la période contemporaine, plusieurs générations de missionnaires se sont transmis la flamme de l’Esprit pour servir cette logique de la Pentecôte, en proposant à l’humanité d’accueillir la croissance que produit le Saint Esprit.

Cette croissance dans la vérité est nommée par le catalogue des vertus que faisait entendre la deuxième lecture. A ce niveau, se laisser conduire par l’Esprit, c’est pratiquer l’amour, faire la paix, vivre dans la joie et s’attacher à bien d’autres valeurs… Ce qui rejoint les aspirations les plus ardentes de notre monde où les fruits de l’Esprit sont toujours à cueillir.

 

De fait, «le monde actuel donne l’impression d’un bateau ivre, mené par la force anonyme de la loi du marché global, qui est la loi du plus fort. Les médias étalent aux yeux de tous, à côté de sociétés malades de consommation et de stress, des pays où sévit la misère, le chaos et la peur. Les événements récents étendent l’angoisse au monde entier. Hommes et femmes de foi, nous nous sentons très limités quand nous essayons d’attirer l’attention et d’agir sur les forces du monde globalisé, et le doute peut nous atteindre ».

 

L’un des grands défis de la Congrégation et des Spiritains africains, c’est de soutenir l’espérance dans ce monde; défi que tentent de relever depuis une vingtaine d’années ces missionnaires toujours plus nombreux issus du Cameroun, de Centrafrique, du Congo- Brazzaville, du Gabon et de la Guinée équatoriale, à la manière de Poullart des Places et de Libermann, et à la suite de plusieurs aînés à qui il convient de rendre hommage.

 

Dans un message au Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit, le Pape Jean-Paul rend grâce à Dieu pour l’œuvre réalisée durant trois siècles par les Spiritains, « … notamment dans l’évangélisation de l’Afrique, des Antilles et de l’Amérique du Sud ». Le Saint Père y encourage les spiritains « … à rester fidèles au double héritage de leurs fondateurs: l’attention aux pauvres, à toute personne socialement démunie ou défavorisée, et le service missionnaire ». Cette double mission, les spiritains la continuent aujourd’hui dans 58 pays.

 

De même, dans son discours à la première Assemblée du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et Madagascar à Kampala, le 31 juillet 1969, le Pape Paul VI évoquait la dette de reconnaissance que le continent africain garde envers ses ancêtres dans la foi: « Vous, Africains, vous êtes désormais vos propres missionnaires. L’Église du Christ est vraiment implantée sur cette terre bénie ».


Oui, chers frères et sœurs, il est vraiment juste et bon de rendre ici un hommage vibrant aux missionnaires, hommes et femmes de tous les Instituts religieux et séculiers, ainsi qu’à tous les pays qui, durant les 2000 ans de l’évangélisation du continent africain, se sont dévoués sans compter pour transmettre le flambeau de la foi chrétienne.

 

Si seulement la sueur et le sang des missionnaires qui ont arrosé la terre africaine pouvaient être effectivement la semence d’une existence soucieuse de grandir dans l’universalité et de cueillir les fruits de l’Esprit!

 

L’action missionnaire menée jusqu’à présent est véritablement un motif d’action de grâce, mais il nous inspire également la supplication afin que, dans la tempête et les turbulences de notre monde, l’Église et la Congrégation se laissent conduire par le vent de l’Esprit Saint.

Heureusement, l’Esprit est là. il ravive en nous le souvenir de Jésus, de ses paroles, de ses actes. Ses attitudes, ses initiatives, ses réparties étaient contagieuses de cette vie inattendue où les crispations, les duretés, les remords s’effacent dans la liberté fraternelle des enfants du Dieu chaleureux qui donne et pardonne. Rêve et utopie de l’histoire qui fécondent et raniment sans cesse les hommes et les femmes. il est au cœur de nos responsabilités. il est l’Avocat de ceux et celles qui souffrent. il est le Témoin du monde de Dieu à construire. il est le Dieu qui souffre dans la multitude et qui espère en l’homme. C’est lui qui aujourd’hui encore, nous donne son Esprit.

 

Que la fête de Pentecôte nous remette tous sous le souffle de l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie.

 

Qu’à notre Dieu, le Père de Jésus Christ et notre Père, soient tout honneur, toute gloire et toute louange pour les siècles des siècles.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *