Messe de la Fête fédérale d’action de grâces

 

Mgr Pierre Bürcher, à l’église Notre-Dame, Vevey, le 21 septembre 2003.

Lectures bibliques : Sagesse 2, 12-20; Marc 9, 30-37

Chers frères et sœurs,

 

Nous, évêques suisses, en cette Fête fédérale d’action de grâces, aimerions vous mettre sur la piste d’un véritable trésor. L’Évangile nous dit qu’en présence d’une telle nouvelle, un homme est prêt à tout vendre pour acheter le champ où il est enfoui. Ce trésor, c’est la Parole de Dieu.

 

En cette année de la Bible, posons-nous la question : que représente-t-elle concrètement pour nous ?… Sans être des spécialistes, vous en avez déjà une connaissance par la liturgie. En effet, le Concile Vatican II a mis à la portée des fidèles, sur trois années, les 4 Évangiles, les lettres des apôtres et une grande partie de l’Ancien Testament. Entendre la Parole de Dieu lors de la liturgie est bien, c’est pourtant insuffisant. Les distractions emportent une partie de ce trésor, l’oubli également.

 

Pour vraiment nous former l’esprit et le cœur, ce trésor attend d’être intériorisé par la lecture et la prière : c’est ce qu’on appelle la « lectio divina » : une lecture méditée de la Parole de Dieu. Certains le font déjà, seuls ou dans des groupes de partage. Mais beaucoup craignent encore de prendre une bible en main. Ils ont peur de ne pas être assez formés, de ne pas comprendre, alors que le Seigneur est là, attendant de nous toucher le cœur, de nous bouleverser par la révélation de son Amour. Notre culture baigne dans une atmosphère de scepticisme et de relativisme : il est d’autant plus important que les chrétiens aient le cœur saisi par ces paroles de feu des saintes Écritures.

 

Les obstacles ne manquent pas sur ce chemin. Certains passages des Écritures sont difficiles, mais la Bible sait parler aux savants comme aux petits. Et puis il y a la fatigue d’une journée de travail, les multiples soucis, l’éparpillement de l’esprit. Nous ne viendrons à la méditation de la Parole de Dieu que si nous en demandons la force au Seigneur : « Unifie mon cœur pour qu’il puisse mieux t’aimer » (Ps 86,11). A force de patience, de détermination aussi pour choisir un moment chaque jour ou chaque semaine, nous parviendrons alors à dire à notre Dieu, comme le jeune Samuel appelé dans la nuit : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 Sm 3,10).

 

Comment s’y prendre ?

La lectio divina veut conjuguer prière, étude et orientation de l’existence. C’est pourquoi il est bon de commencer par un moment de prière, silencieuse ou vocale, pour invoquer l’Esprit Saint, le maître intérieur, afin qu’il ouvre notre cœur et notre intelligence. Puis on peut lire le texte une première fois, cherchant à bien le comprendre. Cette démarche peut se faire à plusieurs également, jusqu’à ce que chacun ait bien compris le passage biblique. On peut s’aider alors des notes de nos bibles ou d’un guide de lecture. Puis vient le temps de la prière : la Bible ne nous a pas été donnée pour nous informer seulement mais bien pour nous former, devenir nourriture et vie. Nous devenons alors comme les disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous quand il nous expliquait les Écritures ? » (Lc 24,32). Un dernier moment sera celui de l’orientation, ou plutôt de la réorientation de notre vie à partir de la Parole de Vie que nous aurons reçue, accueillie en vue de porter du fruit…

 

Revenons sur quelques aspects importants de cet apprentissage et de cette fréquentation de la Parole de Dieu.

L’écoute : condition fondamentale pour accueillir ce trésor

Pour que Dieu puisse nous parler, la première condition est donc que nous fassions silence autour de nous, puis en nous. Et cela ne se fait pas en une minute ! Le silence joue le rôle d’un bassin de décantation. Peu à peu les soucis et les joies, les échecs et les réussites, le bruit de nos vies et du monde, vont se déposer. Alors nous donnerons à Dieu une chance, celle d’être entendu ; celle de pouvoir nous parler, nous former, nous marquer. Il faudra certes persévérer dans la lecture et la prière, dans l’apprentissage de la disponibilité : comme le jeune Samuel, comme la Vierge Marie répondant à l’annonce de l’Ange : « Qu’il me soit fait selon ta Parole. » Beaucoup préfèrent ne pas risquer cette démarche tout seuls, mais au sein d’un groupe, en étant accompagnés. De retour chez eux, ils pourront approfondir et « ruminer » ce qu’ils auront découvert ensemble, en Église. L’appui des frères et des sœurs est en effet une véritable grâce sur ce chemin.

Il y a bien sûr également toutes sortes d’aide qui vous sont proposées : tant de revues, de livres, de sites internet, mais rien ne remplacera le fait de s’y mettre, personnellement, en couple, en famille, en communautés… Alors les fruits sont abondants, c’est l’expérience de l’Église depuis les origines à condition d’avoir permis à la Parole de Dieu de descendre profondément en nous, de nous éclairer, de nous habiter, de nous transfigurer.

 

L’écoute porte du fruit

Le premier fruit, c’est la foi. Comme chrétiens, nous nous sentons de plus en plus minoritaires dans nos sociétés, et donc de plus en plus seuls. Nous nous sentons parfois étranges, voire étrangers. La Parole de Dieu, si elle est intériorisée, devient nourriture ; elle nous fait grandir en elle. Elle nous structure et nous donne des racines. Nous devenons alors des fils et des filles d’Abraham le croyant ; des frères et des sœurs de Moïse, de David, de Pierre et de Paul, et surtout des disciples de Jésus.

Puis, deuxième fruit, ce sera un regain d’espérance quand nous découvrirons combien le Seigneur s’est fait proche de ceux qui ont traversé de grandes difficultés : exil, maladies, persécutions.

Enfin, troisième fruit, c’est la charité qui va s’en trouver revigorée : « En obéissant à la vérité, vous avez sanctifié vos âmes, pour vous aimer sincèrement comme des frères, écrit l’apôtre Pierre. D’un cœur pur, aimez-vous les uns les autres sans défaillance, engendrés par la Parole de Dieu » (1Pi 1,22-23).

Vous ferez alors l’expérience de la beauté de l’Évangile, jusqu’à en être transportés de joie, le quatrième fruit. Nous sommes faits pour la vérité, pour partager des certitudes : non celles qui donnent la mort par le fanatisme, mais celles qui font les saintes et les saints. Pendant des siècles, le peuple juif a attendu son Sauveur, le Messie. Nous croyons à sa venue : il serait étrange que cela nous laisse indifférents…

Enfin, et ce n’est pas le moindre fruit : nous aurons envie de communiquer notre joie de croire à ceux et celles que nous rencontrons. « J’annoncerai ton nom à mes frères » s’écrie le psalmiste (Ps 22). « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile », écrit Saint Paul, le grand missionnaire.

 

La confiance qui fait vivre

En concluant cette lettre, nous vous offrons l’impressionnante confiance du prophète Isaïe : « De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission » (Is 55,10-11).

Vos évêques suisses

 

 

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