Messe de la Fête-Dieu

 

 

Abbé Otavio Predebon, à l’église de Meyrin-Village, GE, le 22 juin 2003.

Lectures bibliques : Exode 24, 3-8; Hébreux 9, 11-15; Marc 14, 12-26

Chers paroissiens, chers amis et vous tous qui êtes en liaison radiophonique avec notre communauté de Meyrin, nous célébrons aujourd’hui dans notre diocèse la fête Dieu, appelée « Corpus Domini » en Italie et « Corpus Christi » dans les pays hispaniques. Aujourd’hui l’église met en relief et au premier plan un aspect de la foi qui est fondamental pour la vie de chaque chrétien. Elle nous dit que dans le Christ se réalise l’alliance entre Dieu et les hommes; elle nous dit aussi que le Christ, pain de vie est présent dans la vie quotidienne de chaque croyant, qu’il est nourriture et force pour tout homme qui cherche Dieu.

 

Au point de vue historique cette fête remonte au moyen âge en l’an 1264 quand le Pape Urbain IV l’institua pour le monde catholique. C’est une fête au caractère coloré et exubérant dans les pays de tradition latine. Je me souviens bien des processions dans mon village en Italie. J’ai souvenir du carillon des cloches, du son de la fanfare, des volutes d’encens qui montaient vers le ciel embaumant l’air d’un précieux parfum. J’ai encore en mémoire les maisons parées de fête exposant au balcon les plus belles soieries et les beaux tissus damassés ; je me souviens du cortège des jeunes filles lançant en l’air des pétales de fleurs qui tombées à terre formaient un tapis sur lequel pouvait dignement passer l’hôte d’exception.

 

Notre sensibilité aujourd’hui prend quelques distances par rapport à de telles manifestations et pourtant nous pouvons nous laisser interpeller : dans cette explosion de signes sensibles n’y avait-il pas une vraie intuition et une idée théologique cachée mais solide ?


Voilà donc la question : le Christ est-il venu pour rester enfermé dans le tabernacle d’une église ou bien sa volonté à lui n’est-elle pas de nous rejoindre dans notre quotidien, dans nos maisons et sur nos routes, là où nous vivons notre labeur, nos espérances, nos larmes et nos réussites ? La fête d’aujourd’hui nous dit que c’est bien là au cœur de notre vie que le Christ veut réaliser sa demeure.

Le Christ nous rejoint dans notre vie quotidienne : voilà le vrai sens de la fête.

 

Cela est d’autant plus vrai que les deux lignes de force de la liturgie de ce dimanche nous confirment dans cette conviction. Tout d’abord, elle nous parle d’alliance : elle nous dit que Dieu n’est pas loin de l’homme et qu’au contraire il y a entre Dieu et l’homme un pacte, une « alliance dans le sang ».

 

La première lecture nous présente Moïse : après le don de la loi au Sinaï, il aspergea tant le peuple que l’autel – symbole de Dieu – avec le même sang. La signification était claire : homme et Dieu sont unis dans la même vie.

 

Et l’évangile de Marc nous racontait que lors du dernier repas Jésus prit la coupe en disant : « Voici le sang de l’alliance ». C’était en effet une nouvelle alliance non plus dans le sang des bêtes sacrifiées mais dans le sang du Christ. Désormais et à partir de ce moment le chrétien sera celui qui laisse couler dans ses veines la vie et le sang de Jésus-Christ.

 

J’aimerais m’arrêter un instant sur la signification du geste du Christ : il offre la coupe à boire, il dit que c’est son sang versé. Nous pouvons comprendre ce geste puisque pour nous aujourd’hui encore le sang c’est la vie : donner de son sang c’est un geste vital et nécessaire à la vie, et nous disons aussi que quelqu’un est de notre sang pour signifier l’appartenance à un même groupe, à une même famille.

 

Alors le sang du Christ donné et versé pour nous, nous fait vivre de la vie même de Jésus ; il coule dans nos veines comme une source de santé qui nous délivre de nos anémies, il nous apporte des éléments régénérateurs, il nous transmet la vie même de Dieu. Nous comprenons aussi que communier c’est recevoir le sang du Ressuscité, le sang du donneur universel de vie et que l’Eucharistie fait circuler en nous la vie du Christ. Nous vivons de lui et par lui. Nous sommes ses frères et nous pouvons appeler Dieu « Notre Père ».

La deuxième ligne de force qui nous est présentée par la liturgie d’aujourd’hui concerne le pain et la nourriture. Pendant le repas Jésus prit du pain, le rompit, le leur donna en disant « Prenez, ceci est mon corps ».

Jésus se donne comme nourriture : il est pain de vie. L’Eucharistie est donc une présence étonnante mais vraie de Jésus dans le pain qui devient corps du Christ. C’est la présence réelle d’un amoureux qui tient à rester à côté de l’homme qu’il aime.

Qui dit pain dit aussi faim. Le Christ se fait pain pour la faim de l’homme, non pas cette faim qui se fait sentir au niveau de l’estomac, mais la faim qui tenaille notre cœur et notre âme. L’Eucharistie est donc le pain pour les routes de la vie ; pain destiné aux affamés de Dieu et à tous ceux qui cherchent un sens à leur vie ; pain pour les affamés d’amour, de tendresse et de compassion, pain pour les affamés d’une parole qui ne passe pas et d’un Verbe de vie éternel, pain pour ceux qui ont faim d’une paix profonde qui donne sérénité et permet d’espérer. Il est aussi pain et consolation pour les affamés de santé et pour les malades, pain pour les affamés tout court quand il devient partage avec le frère pauvre au ventre creux.

 

Comment pourrions-nous nous étonner alors que la place de ce pain ne soit pas dans le tabernacle, mais sur les routes humaines de la vie, sur ces mêmes routes des villes et villages où aujourd’hui ce pain de Dieu « Corpus Christi » hôte d’exception, est porté solennellement en procession ?

 

Ce pain pour la vie de l’homme, nourriture de route pour les affamés de toutes les époques, manne multipliée dans toutes les églises du monde pour être distribuée ne peut rassasier la faim de l’homme qu’à condition de quitter les églises pour devenir sur les routes de la vie pain partagé avec les frères qui ont faim.

 

 

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