Messe de la fête de la Sainte Famille

 

Abbé Marc Donzé, le 28 décembre 2008, à l’église de Châtel-St-Denis, FR
Lectures bibliques : Genèse 15, 1-6.21,1-3; Hébreux 11, 8.11-12.17-19;
Luc 2, 22-40 – Année B

Ce dimanche de la Sainte Famille nous incite à parler de la famille. Mais que le sujet est difficile. C’est peu dire que la famille du XXIe siècle se cherche : unie, désunie, nucléaire, clanique, décomposée, recomposée, monoparentale, élective, sélective, etc. ; les réalités de la famille sont d’une diversité toujours plus grande pour le meilleur et pour le pire, nous le constatons tous.

La famille d’aujourd’hui se cherche de nouveaux modèles et cette recherche ne fait que commencer, tant l’éclatement du modèle de famille nucléaire (le père, la mère et deux ou trois enfants) de la seconde moitié du XXe siècle est rapide. On peut s’en lamenter, on peut s’en étonner, mais si l’on regarde l’histoire, on s’aperçoit que les modèles de la famille ont beaucoup évolué en fonction de la sociologie, de l’économie, de la religion. Au temps d’Abraham, au temps de Jésus, en notre temps : trois images de la famille assez différentes. Rien d’étonnant à cela, car la famille n’est pas un concept idéal immuable, elle participe des évolutions de son temps.

Ce que nous pouvons essayer de voir aujourd’hui, ce sont les indications que nous donne la Parole de Dieu sur la famille. Que nous disent Marie, Joseph et Jésus sur la famille ?

 

La sainte Famille est centrée sur Jésus. Jésus grandit dans les meilleures conditions possibles, il reçoit autant qu’il le faut l’amour de sa mère et de son père. De ses parents, il reçoit aussi l’initiation à la vie sociale, au travail et même à la vie religieuse. C’est avec eux qu’il apprend à prier, qu’il va en pèlerinage à Jérusalem. Jésus reçoit également son nécessaire espace de liberté dans la sainte Famille ; ses parents ne sont pas possessifs ; ils le laissent vaquer à ses colloques avec les docteurs de la Loi dans le Temple, quand il a douze ans. Plus tard, Marie laissera son fils aller sur les chemins de Palestine, même si elle ne comprend pas toujours ce que ce fils annonce ou réalise, même si elle perçoit les dangers à venir. Espace de liberté donc, mais aussi accompagnement affectueux, attentif, plein de confiance et de compassion.

Le rôle de Joseph, qui, s’il n’est pas le père physique de Jésus, endosse tous les autres aspects de la paternité, est plus important que la discrétion des récits ne le laisse apparaître. Joseph est le protecteur de la vie : dans la froidure de Bethléem, dans la fuite en Egypte pour échapper à la persécution d’Hérode, dans le retour d’Egypte pour trouver les meilleures conditions économiques, sociales et religieuses pour Marie et Jésus. Joseph est certainement aussi l’initiateur : celui qui apprend à Jésus les choses de la vie et du travail. Et, bien sûr, Joseph est le père droit, juste et affectueux, dont Jésus a besoin pour se structurer dans son humanité, voire dans sa masculinité.

Quant à Marie, elle est la mère dans tous les sens du terme : celle qui engendre et qui nourrit, celle qui accompagne les premiers pas, les premières rencontres, celle qui prend souci, celle qui voit et qui invite, celle qui suscite le plus profond de son fils lors du premier miracle aux noces de Cana, celle qui compatit, celle qui est toujours là, très discrète, sans aucune pesanteur, car Marie n’est que grâce, mais très présente.
Joseph et Marie sont aussi des amis de Dieu, au sens le plus fort du terme ; ils veulent au plus proche de leur être faire sa volonté. C’est pourquoi, ils sont profondément à l’écoute des lois de la vie ; c’est pourquoi aussi, ils présentent Jésus au Temple, pour l’offrir à Dieu : ils manifestent par là que l’enfant n’est pas uniquement le leur, mais qu’il est en tout premier un cadeau de Dieu.
C’est grâce à ses parents que Jésus peut grandir de la plus belle façon en taille, en grâce et en sagesse, devant la face de Dieu et dans la société des hommes.

Pouvons-nous retenir quelque chose de la sainte Famille pour nos familles d’aujourd’hui ? Je me lance dans quelques conclusions, que je vous propose à mes risques et périls.
D’abord, je pense qu’il y a famille, parce qu’il y a un ou des enfants ; même le Petit Larousse le dit. Sinon, il y a seulement un couple. De ce fait, la famille est centrée sur le ou les enfants, non pas pour en faire des vedettes ou le nombril du monde, mais pour leur offrir les meilleures conditions de possibilité, afin qu’ils grandissent en taille, en grâce et en sagesse.
Je pourrais dire que la mission de la famille est d’engendrer les enfants à leur pleine stature d’hommes et de femmes, dans la plus haute noblesse de la vocation humaine faite de liberté, d’accueil, de générosité, de partage. De même que Jésus a bénéficié du milieu le plus favorable à sa croissance, de même les enfants d’aujourd’hui devraient pouvoir compter, le mieux possible, sur ce dont ils ont besoin pour une belle croissance.

De quoi ont-ils donc besoin ? Pour répondre, il suffit de reprendre ce dont Jésus a bénéficié dans son enfance et sa jeunesse. Ils ont besoin de sécurité, d’affection ; ils ont besoin qu’on leur fasse confiance et qu’on les accompagne ; ils ont besoin d’initiation aux choses de la vie et de la société ; ils ont besoin de pouvoir se situer par rapport à la figure masculine et paternelle comme par rapport à la figure féminine et maternelle ; ils ont besoin de recevoir un espace de liberté et de créativité.

Pour recevoir tout cela, dans notre société actuelle, les enfants bénéficient d’apports nombreux : ceux de l’école, des amis, de la famille élargie, de psychologues, etc. Ils participent à de très nombreuses activités sociales qu’elles soient sportives, musicales ou associatives. Il reste néanmoins que la sécurité fondamentale, l’affection et la confiance fondamentales sont données par les parents. Il reste aussi que le premier positionnement dans la vie se fait par rapport aux parents.

C’est la raison pour laquelle la stabilité du couple parental est de première importance. Ce n’est pas un dogme, c’est une observation qui traverse plusieurs siècles et qui recouvre d’innombrables expériences. Ce disant, loin de moi l’idée de juger les couples qui ont subi un échec et qui se sont cassés. Je veux juste souligner, devant Marie et Joseph, que l’enfant a besoin, autant qu’il est possible, de parents stables, grâce auxquels il peut être initié aux choses les plus essentielles de la vie.

Mon souci, mon grand souci, c’est que la stabilité du couple parental est en danger à l’heure actuelle. Car ce couple est surinvesti de responsabilités et d’attentes. Il y a les enfants, bien sûr ; mais, en plus, dans l’individualisme social actuel, le couple est censé être le lieu de l’amour pleinement réussi, de la communication, de la confidence, de la protection, de la sécurité, etc. La barre est placée très haut ; les appuis ne sont pas nombreux. Alors, quand un de ces éléments ne réussit pas, le couple peut craquer, même s’il a la charge d’un ou de plusieurs enfants. C’est hélas fréquent, trop fréquent.

Je réfléchis et je prie donc, devant Marie et Joseph, pour que l’on trouve des modèles, afin que le couple parental ait les meilleures chances d’être stable, des modèles où les attentes envers le couple ne deviennent pas démesurées et où le réseau social et affectif soit suffisamment large et présent de mille et une manières. Je n’ai pas la solution, mais il n’est pas forcément mauvais de rester parfois sur une question ouverte.

 

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