Messe de la fête de la Sainte Famille

 

 

Chanoine Roland Jaquenoud, à l’Abbaye de Saint-Maurice, VS, le 28 décembre 2003.

Lectures bibliques : 1 Samuel 1, 20-28; 1 Jean 3, 1-24; Luc 2, 41-52

Mes frères, mes sœurs,

 

Loin des images d’Épinal liées à la fête de Noël, l’évangile d’aujourd’hui présente à notre méditation une crise intervenue dans la Sainte Famille. D’abord, nous ne sommes plus à Noël, mais à Pâques, et comme chaque année à l’occasion de cette fête, les parents de Jésus montent à Jérusalem pour accomplir le pèlerinage ordonné par la loi de Moïse. Cette année-là, Jésus monte avec eux pour la première fois : il a douze ans, c’est-à-dire que selon la Loi juive il est majeur, et lui aussi, désormais, doit accomplir le pèlerinage. Il monte donc avec ses parents, mais ne redescend pas avec eux. Cette perte de Jésus est ressentie par Marie et Joseph comme un véritable drame. A ce propos, les paroles de la Vierge sont très fortes : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert, ton père et moi ! » (Lc 2, 48). La réponse de Jésus va faire découvrir à ses parents sa Mission : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être » (Lc 2, 49).

Jusque là, c’était surtout des anges qui avaient indiqué aux parents terrestres de Jésus le sens de la venue de leur fils dans le monde. A Marie, l’ange Gabriel avait dit : « il régnera sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 33). Joseph, quant à lui, s’était entendu dire « C’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés »(Mt 1, 21). Aujourd’hui, c’est Jésus lui-même qui affirme de manière éclatante sa filiation divine : lui, le fils de Marie, confié à la paternité terrestre de Joseph, ce petit enfant qui a connu toutes les étapes du développement d’un fils d’homme, est en même temps le Fils du Père éternel, vrai Dieu né du vrai Dieu. Aujourd’hui, à travers les paroles de Jésus, Marie et Joseph découvrent qu’ils n’ont pas uniquement pour mission d’élever une enfant jusqu’à l’âge adulte. Ils ont avant tout la mission d’être les gardiens des mystères du salut, les gardiens du Dieu fait homme venu élever les hommes jusqu’aux dimensions de Dieu lui-même. Marie et Joseph découvrent qu’ils sont les collaborateurs des mystères du salut : pour que l’homme soit sauvé, il a fallu bien entendu l’œuvre souveraine de la grâce divine, mais Dieu a aussi voulu la participation de l’être humain, avec au premier rang la Vierge Marie et saint Joseph. Dieu n’a pas voulu sauver l’homme sans l’homme. Et aujourd’hui, le Seigneur leur rappelle qu’il n’est pas venu seulement pour eux, mais pour travailler aux œuvres de son Père, c’est-à-dire au salut de tous les hommes. C’est à cette œuvre là que Marie et Joseph doivent participer. Finalement, en ce jour, nous ne sommes pas si loin de cette autre fête de Pâques où le Seigneur Jésus, cloué sur la croix, donnera à Marie la maternité sur tous les croyants. « Femme, voici ton fils »(Jn 19, 26), dira-t-il en confiant à sa mère le disciple qu’il aimait, et avec lui tous les hommes. Marie recevra alors une nouvelle forme de collaboration aux mystères du salut, celle de la maternité spirituelle sur tous les croyants, qu’elle exercera par le moyen de la prière.

Nous aussi, croyants, nous sommes à notre manière les gardiens des mystères du salut. Lorsque nous célébrons l’eucharistie, chaque dimanche et chaque fête, et pour certains d’entre nous presque chaque jour, nous célébrons le mystère où Dieu et l’homme ne font plus qu’un, où Dieu vient en l’homme afin de le transformer en Lui. Comme à Marie et à Joseph, il nous est demandé de ne pas garder ce mystère pour nous seuls. Nous devons inviter tous nos frères et sœurs en humanité à participer à cette vie nouvelle où l’homme est élevé jusqu’à Dieu, jusqu’aux dimensions de l’éternité.

Lors de l’épisode du recouvrement de Jésus au temple, Marie et Joseph découvrent qu’ils ne doivent pas garder le Christ pour eux seuls. Nous aussi, nous ne pouvons garder le Christ uniquement pour notre confort spirituel : nous devons le laisser habiter la maison du Père, qui n’est rien d’autre que le cœur de tous les hommes, afin qu’il puisse réaliser en chacun de nos frères le mystère du salut et de la transfiguration des hommes aux dimensions de l’éternité, aux dimensions de Dieu lui-même.

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