Messe de la fête de la Pentecôte

 



Abbé Thierry Fouet, à l’église Ste-Thérèse, Fribourg, le 11 juin 2000

Lectures bibliques :
Ac 2, 1-11; Ga 5, 16-25; Jn 15, 26-16, 15

Fêter la Pentecôte, c’est fêter le don de l’Esprit Saint. Et aujourd’hui, pour cette fête, nous recevons deux récits : le récit des Actes des Apôtres, riche en couleurs, en actions, couleurs de feu, de langues de feu, de violentes bourrasques, récit riche de paroles, d’enthousiasme communicatif, de tempêtes. Pour l’occasion, l’Esprit a mis le paquet comme pour le lancement d’un immense paquebot à la mer. Et d’autre part, le récit de l’Evangile selon saint Jean, lui, tout autre dans le contexte du discours des adieux de Jésus, avec la promesse de la venue de l’Esprit, promesse qui invite à la paix. Ce qui compte ici, ce ne sont pas les signes extérieurs, c’est la Pentecôte intérieure, l’effusion douce de l’Esprit Saint, au plus profond de nos cœurs. Et ce n’est pas rien, car lorsque nous regardons notre pays, notre ville ou notre village, notre quartier, nous sommes tellement différents les uns des autres, parfois séparés par les langues, l’argent, la culture, la sensibilité, les styles de vie et, cependant…

Cependant, au jour de notre baptême, Dieu nous a confirmé que nous faisons partie d’une seule et même famille, que nous avons à annoncer l’Evangile à tous. Comment, aujourd’hui, est-il possible de transmettre la bonne nouvelle à des hommes, à des femmes, à des enfants, à tous ces jeunes qui sont tellement différents ?
Je pense qu’après la Résurrection, les Apôtres se sont trouvés devant ce problème et ils ont eu peur. Devant la difficulté de la tâche, ils se sont enfermés. Ils ont tiré les verrous de la maison et c’est plutôt en eux-mêmes qu’ils se sont barricadés pour se protéger du risque. Ils se sont comme renfermés sur leur petit groupe; c’était sans doute pour eux le meilleur moyen de garder intact le souvenir des années passées avec Jésus. Faire partager cette expérience privilégiée à d’autres leur paraissait sans doute impossible. Dans cette pièce où ils se sont enfermés, ils sont comme dans une prison, presque un tombeau. Qui ouvrira les fenêtres pour écouter celui qui vient ? Qui ouvrira les portes pour accueillir celui qui frappe ? C’est l’Esprit Saint qui vient bouleverser leur manière de voir, c’est l’Esprit Saint qui les pousse vers ces gens si différents qui sont là, dehors, au-delà des portes qu’ils avaient soigneusement fermées. Et il y avait là des Juifs de Jérusalem, des gens de la Mésopotamie, c’est-à-dire de l’Irak actuel, de la Cappadoce, de la Turquie d’aujourd’hui, de Libye, d’Egypte et même des Romains. Quel rassemblement ! Impressionnant. Mais peut-on transmettre à des Juifs, à des Arabes, à ces gens d’origines si différentes un même message ? Et c’est ici que se situe le miracle de la Pentecôte : Je cite : Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun d’entre nous les entende dans sa langue maternelle ? Oui, le même Evangile est proclamé dans différentes langues en tenant compte des sensibilités, des manières de penser de chacun, et ce ne sont pas les gens qui écoutent qui ont à faire un effort pour comprendre le langage des Apôtres, ce sont les Apôtres qui, grâce à l’Esprit Saint, parlent ce nouveau langage, ce langage du cœur, ce langage de l’Evangile.

Et nous, aujourd’hui, nous nous trouvons sans doute un peu dans la même situation. Nous avons une bonne nouvelle à annoncer à des gens qui sont si différents les uns des autres autour de nous. Et sans doute, avons-nous des difficultés à nous faire comprendre. Nos origines nous ont marqués, nous ont donné des sensibilités, des approches différentes, francophone, germanophone, nés ici ou ailleurs, personnes du monde arabe ou portugais, italien ou espagnol, européen ou africain, asiatique ou américain : nous n’arrivons pas toujours à nous comprendre, mais pourtant Dieu nous invite à constituer ensemble un peuple de frères.

Comme les apôtres, après la Résurrection, nous avons aussi la tentation de nous replier sur un petit groupe dans lequel nous pouvons communiquer facilement. Dès lors, attention, car notre communauté chrétienne est assurément sympathique, mais si elle est seulement un groupe de bons amis de même milieu, de même opinion, est-elle vraiment ouverte aux différences ? En ce jour, l’Esprit Saint vient nous déranger, il nous invite : « C’est dehors que celle se passe, annoncez l’Evangile aux autres ». Toute personne doit pouvoir entendre ce message que Dieu lui adresse : »Je t’aime ». Dieu compte sur nous pour dire cette parole, pour être acte de cette parole aujourd’hui. Alors cette venue de l’Esprit Saint qui nous dérange, nous fait peur parce que comment s’y prendre? comment annoncer ? Saint Jean nous dit :Vous aussi, vous rendrez témoignage. Qui sait la confiance que nous accordons à Dieu. En tout cas, l’Evangile de Jean nous parle de la confiance que Jésus nous fait, alors que très souvent nous doutons de nous, de notre foi et de nos capacités. Jésus lui ne doute pas de nous, il nous choisit comme témoins, non pas parce que nous serions meilleurs que les autres, mais parce qu’il nous choisit. Jésus nous dit encore dans l’Evangile : »J’aurais beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, Lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la Vérité toute entière ». Jésus nous aime tels que nous sommes, il nous accueille là où nous en sommes et ne juge pas. Avec Jésus, la vérité n’est pas une chose que l’on a ou que l’on n’a pas. La vérité c’est une vie, c’est une recherche, c’est une quête, c’est une longue marche. Ce n’est pas nous qui faisons la vérité, c’est la vérité qui nous fait, c’est la vérité qui nous façonne. La vérité, elle est dans le livre de nos vies, elle est dans le cœur de nos vies. C’est l’Esprit de vérité qui nous guide vers la Vérité. Jésus ouvre alors l’avenir, il ouvre la porte, il ouvre le possible.

Ce que nous n’avons pas la force de porter aujourd’hui, demain nous le pourrons. La Pentecôte, c’est la fête de tous les possibles. Et précisément, les Actes des Apôtres nous montrent comment l’Esprit Saint a réalisé le possible et a aidé les disciples à remplir leur mission. D’abord, en les invitant à partager la vie des hommes à qui ils devaient annoncer la bonne nouvelle. C’est ce que Paul a fait à Corinthe, il a travaillé dans cette ville et là il a partagé la vie des gens du quartier. C’est à eux qu’il va pouvoir annoncer le message. Oui, ce sont eux qui deviendront les premiers membres de la communauté. Nous aussi nous partageons la vie de beaucoup de gens, dans le travail, dans le quartier, dans les associations, dans les loisirs et c’est d’abord auprès d’eux que nous avons à rendre témoignage. Ensuite l’Esprit Saint a aussi aidé les Apôtres en les poussant à confier des tâches particulières à chacun des membres de leur communauté. Chaque croyant a reçu des dons particuliers. Certains de par leur travail ou leur fonction sont en contact avec des gens qu’ils sont seuls dans la communauté à pouvoir rencontrer. Si ce n’est pas eux qui portent l’Evangile à ces gens-là, personne d’autre ne pourra le faire. Oui, dans ce corps que forme la communauté chrétienne, il y a des membres différents qui ont chacun un rôle particulier. Ainsi donc, dans la droite ligne du Concile Vatican II et du Synode 72, c’est ce que l’Eglise diocésaine, à travers AD 2000, ne cesse de rappeler : frères et sœurs laïcs, votre mission, votre place, votre engagement qu’il soit bénévole ou professionnel, au service d’une communauté, c’est l’actualisation de votre baptême, vous ne prenez la place de personne, ni des prêtres, ni des diacres, ni des religieux, religieuses, mais c’est votre place de baptisé. Cette place c’est la vôtre dans l’Eglise. Alors, tout spécialement en cette année du Jubilé : »Bon Anniversaire »- Bon anniversaire à nous, en ce jour de naissance de l’Eglise, oui toi l’Eglise, toi sans qui nous ne connaîtrions pas le Seigneur, toi qui nous a accompagnés souvent depuis l’enfance, faisant grandir en nous la certitude d’être des enfants bien-aimés de Dieu. Merci l’Eglise. Toi la famille des ressuscités, aimée gratuitement par le Dieu de la vie. Merci à toi l’Eglise. Parfois tu es maladroite, l’handicapée aux millions de visages qui ne savent pas encore bien dire l’amour mais qui essaient pourtant avec obstination. Merci et bravo l’Eglise pour tout ce chemin. Courage, force pour celui qu’il nous reste à accomplir, à parcourir ensemble dans l’Esprit.
Amen

 

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