Messe de la Fête de la Croix glorieuse

 

 

Chanoine Alexandre Ineichen, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 14 septembre 2003.

Lectures bibliques : Nombres 21, 4-9; Jean 3, 13-17

Aujourd’hui, chers auditeurs, chers frères et sœurs, la liturgie rompt le rythme des dimanches dits ordinaires et propose en ce 14 septembre, la fête de l’exaltation de la croix. Elle est le souvenir de la découverte au IVe siècle de la croix du Christ, l’anniversaire de la dédicace de l’église qui devait recevoir cette relique remarquable et le rappel de la victoire de la croix sur le monde déchu. Cette fête nous rappelle aussi que la croix est le lieu de l’amour de Dieu pour le monde. Le Christ, attaché au bois de la croix, est l’instrument du salut du genre humain pour que d’un arbre qui donnait la mort la vie surgisse à nouveau. L’ambon de cette basilique illustre à merveille cet instrument de supplice qui devient notre instrument de joie. La croix stylisée est entourée de végétations comme un arbre. En ce début de célébration, déposons nos péchés au pied de la croix, par l’écoute de la parole, par le partage du pain, recevons le pardon de Dieu.

Si je ne vénère pas la croix, alors je ne crois pas que le Christ est ressuscité. Si je ne trace pas sur mon corps le signe de la mort de Jésus, alors je n’espère pas que la mort sera vaincue. Si je ne m’attache pas au bois de la croix, alors je n’aime pas en acte et en vérité. Ainsi, chers frères et sœurs, chers auditeurs, en cette fête de la Croix glorieuse contemplons cet instrument de supplice, symbole de notre foi, raison d’espérer encore, lieu où se réchauffe notre charité. Pour conduire ma réflexion, je partirais, et du signe de la croix que nous traçons avant chaque prière, et du bois de cette croix dont les Écritures évoquent les diverses essences.

D’abord, enfant, le premier geste religieux appris est ce signe de croix dont nous marquons notre corps au nom de la Trinité, miracle de l’amour divin. Maladroitement et souvent inconsciemment, par ce signe nous nous souvenons de la mort de Jésus en même temps que nous nous rappelons le Dieu auquel nous croyons, Dieu d’amour qui donne son Fils pour sauver le monde dans l’Esprit. À ces premiers balbutiements de la foi, j’aimerais mettre en parallèle un arbre dont les Écritures parlent dès le commencement du monde : le figuier. En effet, après le péché, Adam et Eve cachèrent leur nudité avec des feuilles de figuier. L’innocence est perdue. L’homme découvre que créé à l’image de Dieu, il n’a pourtant plus cette intimité que Dieu lui avait donnée au commencement. Comme un figuier, l’homme se dessèche loin de la source de vie. Bien que Dieu espère qu’il porte encore du fruit, nous savons que nous sommes mortelles. Le signe de la croix, sur notre corps, rappelle cette faiblesse, mais parce que la croix est glorieuse, alors, le figuier peut donner encore du fruit en son temps. Zachée, malgré ses péchés, n’est-il pas monté sur un figuier pour voir celui qui allait le convertir ?

Deuxièmement, à l‘adolescence, le signe de croix est, ou trop voyant, ou pas assez. Si l’enfant reçoit de ses parents la foi, il faut un temps où cette foi se construit de l’intérieur, indépendamment des parents, des amis, du milieu. C’est le temps des décisions, toujours indiscutables dans un sens comme dans l’autre, le signe appris, transmis devient soit le signe de ralliement, soit le signe du refus. Au figuier, figure de notre double appartenance, à la terre et au ciel, les Écritures présentent deux autres essences : l’olivier et le cèdre. De l’un, nous tirons l’huile par laquelle l’athlète, le confirmé sera marqué. Ainsi, fort du signe de la croix, l’adolescent, le jeune affrontera la vie. « Toi, qui es une branche d’olivier sauvage, tu as été greffé (…) tu as part désormais à l’huile que donne la racine de l’olivier. » (Rm 11,17). L’autre, le cèdre, rappellera la solidité de la vie d’ici-bas, sa grandeur. « Les figuiers sont abattus, nous mettrons des cèdres à leur place. » (Is 9,7-10,4). Ainsi, le signe de la croix devient mon signe, celui auquel je tiens et dont je suis fière.

Enfin, à l’âge mûr, le signe de la croix devient, non pas plus discret, mais plus profond. La maturité donne à ce symbole d’un instrument de supplice, de mort, réservé aux esclaves, sa vraie dimension. Jésus à l’égal de Dieu se dépouilla lui-même en pre-nant la condition de serviteur, d’esclave. En cet âge, nous savons que le temps nous est compté. La croix est vraiment un instrument de supplice. Aussi disons-nous avec conviction, espérance et amour vrai, que le Dieu trois fois saint a élevé le Christ au-dessus de tout. Notre vie est construite, mais elle doit encore passer l’épreuve suprême. « Les poutres de notre maison sont de cèdres, nos lambris de cyprès » (Ct 1,17). La mort approche. Jésus, bon prédicateur, guérisseur compatissant, doit s’abaisser encore jus-qu’à la mort, et la mort de la croix. Aussi ne reste-t-il que le cyprès, arbre des cimetières, et de l’amour « car le cèdre est tombé. » (Za 11,19). La croix reste un instrument de supplice, mais porte aussi notre espérance. Nous mourrons, mais dans le Christ ressuscité.

En conclusion, si le signe de la croix que nous traçons sur notre corps est le signe de notre foi, de notre espérance et de notre charité, il est aussi le signe de notre approfondissement du mystère dont nous participons par notre vie. A chacun des âges de la vie, la contemplation de la croix est une méditation sur la mort et la résurrection de Jésus, sur notre mort et notre espérance en Dieu. Si les Écritures évoquèrent plusieurs essences pour le bois de la croix, passant du figuier de la condition humaine, de l’olivier et du cèdre de la grandeur, au cyprès de la sagesse, elles montrent aussi que si nous croyons que le Christ est ressuscité, si nous espérons que la mort soit vaincue, si nous aimons en acte et en vérité, alors, il nous faut vénérer la croix, le bois de la croix sur lequel « le Fils de l’homme est élevé, afin que tout homme qui croit obtienne de lui la vie éternelle. »
Amen

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