Messe à l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens

 

Pasteure Caroline Ingrand-Hoffet, à l’église St-Martin, Onex, GE, le 22 janvier 2006
Lectures bibliques : Actes des apôtres 10, 9-29a; Matthieu 18, 19-20 – Année B

Chers frères et sœurs, catholiques, évangéliques méthodistes, évangéliques libres, et protestants réformés, nous pouvons être heureux et fiers d’être réunis aussi nombreux dans cette Eglise et par les ondes. Chrétiens, nous sommes ensemble pour prier pour l’unité de nos Eglises.

Pourtant même rassemblés, nous ne pouvons pas prétendre être le peuple de Dieu.

Qu’est-ce qui me permet de dire cela ? ça vous choque ? ça vous surprend ?

Et bien les chrétiens de Jérusalem ont du ressentir le même choc, la même surprise, lorsque Pierre est venu leur raconter sa visite chez ce païen de Corneille. Pierre a fait comprendre à ses frères chrétiens de Jérusalem, que malgré leur autorité, ils ne détenaient pas la vraie foi.

Il leur dit :
« Si Dieu a fait à ces gens (les païens) le même don gracieux qu’à nous autres pour avoir cru au Seigneur Jésus-Christ, étais-je quelqu’un, moi, qui pouvait empêcher Dieu d’agir ? » (Actes 11,17)

Pierre est un homme de foi. Il est persuadé de savoir ce que Dieu attend d’un bon croyant, comme chacun de nous serait capable d’exprimer, ce que sa religion lui permet et lui déconseille de dire ou de faire. Pierre devait ressentir comme nous ce confort, cette sécurité de connaître les limites de ce qui est juste aux yeux de Dieu. Notre foi nous ancre dans des traditions que nous adoptons, et qui définissent finalement notre identité religieuse.

Pierre est si sûr de connaître ces traditions, qu’il dit non à Dieu lorsque celui-ci lui demande de tuer et de manger un animal que sa religion juge impure.

Trois fois de suite, Pierre dit non à Dieu ! Non, parce que Dieu lui demande de désobéir à sa religion. Pourtant ces règles de la vie religieuse ne sont-elles pas sensées être seulement le reflet concret de la volonté de Dieu pour nous ?

Alors si Dieu nous demande quelque chose qui contredit nos traditions, au nom de quoi nous autorisons-nous comme Pierre à dire non à Dieu ? Comment pouvons-nous en arriver à décider à la place de Dieu de la justesse de notre comportement de croyant ? C’est absurde !

Et pourtant nous sommes bien souvent tentés de dire nous aussi non à Dieu, pour sauvegarder des traditions que nous jugeons fondatrices, essentielles ou inamovibles.

Mais ce n’est pas ce que Dieu attend de nous, Pierre nous aide à le comprendre. Ecouter Dieu nous demander de désobéir à nos traditions religieuses est un risque à prendre. Nous devons à Dieu de l’entendre, lorsqu’il a besoin de nous pour faire changer les choses. C’est notre responsabilité de chrétiens d’être à l’écoute de Dieu, même ou peut-être surtout, lorsqu’il bouleverse nos habitudes…

Pierre n’a pas compris tout de suite le sens de ce qu’il vivait. Et comme lui, notre premier réflexe serait certainement de dire non à Dieu. Mais Pierre s’est donné une journée, et plusieurs heures de marche, pour méditer. Et lorsqu’il arrive chez Corneille le lendemain, il a fait ce chemin intérieur d’acceptation du changement sur lequel l’a entraîné Dieu. Et il explique au païen, à l’homme impur ce qu’il a découvert : « C’est un crime pour un juif d’avoir un contact avec un étranger. Mais à moi, Dieu vient de me faire comprendre qu’il ne fallait déclarer immonde ou impur aucun homme. Voilà pourquoi c’est sans aucune réticence que je suis venu (chez toi Corneille). » Pierre comprend que Dieu a utilisé cette image de la viande impure pour lui faire accepter sa volonté d’ouvrir l’Eglise aux païens. Alors que le réflexe des premiers chrétiens était de limiter l’accès au christianisme aux seuls juifs.

Comment auriez-vous réagi à la place de Pierre ?

Auriez-vous été réceptif à cette volonté de Dieu de faire évoluer de manière décisive votre foi ? Seriez-vous capable de laisser tomber d’un coup une tradition religieuse à laquelle vous tenez parce que Dieu vous le demande ?

Voilà les questions radicales et essentielles que nous pose ce passage du livre des Actes. Et nul doute que Dieu continue aujourd’hui à nous remettre en cause, à nous questionner, à nous bousculer pour faire évoluer l’Eglise. Mais je ne sais pas si nous prenons toujours le temps de ce chemin, qui a permis à Pierre de comprendre l’enjeu du changement.

Nous sommes aujourd’hui réunis par notre foi commune en Jésus-Christ, à l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Nous pouvons nous contenter de nous auto congratuler pour nos traditions respectives si belles, si fortes, si pleines de sens, et pour notre esprit d’ouverture.

Mais nous devons aussi, nous réunir toujours et encore au nom de Jésus-Christ, comme il nous le demande : Nous pouvons lui demander de nous aider à savoir abandonner nos traditions et la sécurité qu’elles nous procurent, quand elles empêchent Dieu d’agir pour l’avenir de son peuple.

Alors oui, je vous le répète, nous ne sommes pas le peuple de Dieu, ou du moins nous n’avons pas le droit de prétendre l’être. Nous ne détenons pas la vérité de notre foi. Nous ne savons jamais comment Dieu va agir, ni auxquelles de nos habitudes nous allons devoir renoncer. Nous devons accepter de quitter le confort de nos traditions, pour laisser Dieu faire grandir et évoluer son Eglise en toute liberté. Il attend de nous que comme Pierre nous prenions le risque du changement, lorsqu’il vient de lui.

Alors soyons heureux de nous rassembler, et surtout demandons à Dieu de nous rendre ensemble disponibles pour entendre ce qu’il attend de nous, quitte à bousculer nos habitudes les plus tenaces et nos traditions les plus vénérables. Alors nous pourrons dire que nous participons vraiment à la construction du peuple de Dieu et à son unité.

Amen

 

 

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