Dimanche de l’Epiphanie

 

Abbé Bernard de Chastonay, cathédrale de Sion, le 8 janvier 2012
Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6; Ephésiens 3, 2-6; Matthieu 2, 1-12 – Année B

Chers auditeurs de la Radio suisse romande, chers malades, chers frères et sœurs en Christ, et vous qui avez participé au 7e Festival d’Art Sacré.

Une fois n’est pas coutume : je vous invite à fermer les yeux, maintenant, quelques instants, afin que vous puissiez projeter sur l’écran personnel de votre imaginaire la scène suivante :
Dans le lointain, une plaine verdoyante, quelques bosquets épars qui rompent une certaine monotonie du paysage, et des collines recouvertes de forêts, un décor tout en douceur et en rondeurs.
Au premier plan, sur votre droite, une sorte de kiosque à musique qui, ô surprise, n’abrite pas quelques musiciens exerçant leurs talents, mais un âne et un bœuf. Le bœuf, couché à même le sol, a posé sa tête sur le rebord d’une mangeoire ; l’âne, bien planté sur ses quatre pattes, observe, l’air tout étonné, une jeune femme, assise à quelque distance, qui tient à bout de bras un enfant.

  En face de cette dame, trois personnages dont les regards se portent sur le tout petit : un vieil homme, barbe blanche bien fournie, un autre, d’âge mûr, barbe brune, lui, un  troisième enfin,  le visage glabre ; sûrement le plus jeune des trois.
Adoration des Rois mages, Cappadoce, XIIe siècle. [Wikipédia]  

C’est ainsi que l’iconographie byzantine a commencé à représenter les mages dès le 4e siècle. Si, dès le 2e siècle, ils ont été qualifiés de rois par Tertullien, c’est en référence au psaume 71 : Les rois de Tarsis et des îles apporteront des présents, les rois de Saba et de Seba feront des offrandes…
L’évangile arménien de l’Enfance, un texte apocryphe tardif, du 4e ou 5e siècle, leur donnera des noms : Melchior, Balthasar et Gaspard. Et sur les mosaïques de Ravenne, leurs noms apparaissent autour de leur représentation dès le 11e siècle.
A partir du 15e siècle, toujours en Italie, Melchior apparaît tête nue, sa couronne déposée aux pieds de l’enfant. Balthazar porte lui sa couronne royale et Gaspard a le chef enturbanné, tel un calife. Chacun des trois porte des habits somptueux, comme il sied à des personnages de haute lignée. Couleur bleue du ciel pour Melchior, marron de la terre pour Balthazar et un habit rose ou orangé pour Gaspard, orangé de la terre s’unissant mystiquement au ciel.
Progressivement, divers artistes populariseront nos trois rois en dignes représentants de trois continents, Melchior pour l’Europe, Balthazar pour l’Asie et Gaspard pour l’Afrique.

L’art et l’imagination des artistes nous aident à lire en profondeur la réalité spirituelle qui se cache derrière la visite des mages.

Commençons par l’âne et le bœuf. Les Evangiles ne les mentionnent pas, mais pourquoi ne remonterions-nous pas jusqu’au prophète Isaïe :

Cieux écoutez, terre prête l’oreille, car Yahvé parle. J’ai élevé des enfants, je les ai fait grandir, mais ils se sont révoltés contre moi.
Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître, Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas.
Nos deux animaux ne pourraient-ils pas représenter, de manière agreste certes, tous ceux qui, au cours des âges, sauront reconnaître en l’enfant Jésus leur « possesseur »,  la source de la Vie véritable. Et par leur présence, c’est la création tout entière qui s’invite à la crèche en un geste d’adoration silencieux et paisible.

Poursuivons par les mages, Ils sont d’âges divers : les hommes, les femmes et les enfants de tous les temps sont donc invités à se pencher sur la crèche et à contempler, comme eux, l’enfant Jésus. C’est le mage le plus âgé qui s’agenouille le premier devant l’enfant, après avoir déposé sa couronne : il reconnaît ainsi que le seul roi devant qui il vaille la peine de s’incliner, c’est le Christ ; il invite ses deux compagnons à faire de même. Ils viennent tous trois de diverses régions du monde : c’est donc que le Verbe fait chair, la Bonne Nouvelle incarnée, s’adresse à l’ensemble de l’humanité.

Et les présents qu’ils offrent au tout petit sont tout un programme théologique : l’or, métal très précieux, pour reconnaître la divinité du Verbe fait chair et sa royauté sur le monde, l’encens, utilisé dans le culte, pour désigner celui qui est le seul Grand Prêtre devant l’éternel, et la myrrhe dont on se servait pour embaumer les corps pour affirmer la véritable humanité du Fils de Dieu devenu Fils de l’homme.

La royauté du Christ s’exprime ainsi de manière radicalement différente de celle d’Hérode ; elle se manifeste au monde dans la simplicité et la douceur (a contrario d’Hérode qui massacrera de nombreux enfants innocents) et s’accomplira dans la justice et la charité. Elle est proposée à tous ceux qui acceptent de se mettre en route pour aller à la rencontre de Celui qui est venu parmi nous, l’Emmanuel de Dieu. Elle nourrit notre espérance et nous pousse à suivre les traces de ce roi nouveau-né : C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaître pour mes disciples.

Christ manifesté au monde. Il est le vin de l’Alliance nouvelle. Celui de l’ancienne alliance encourageait le peuple d’Israël à aimer son prochain et haïr son ennemi, celui de la Nouvelle Alliance en Christ élargira le champ de l’amour jusqu’à l’infini : eh bien moi, je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent.

Le récit de la visite des mages, récit historique ou symbolique, compte donc essentiellement pour ce qu’il sous-entend : l’universalité du message du Christ, Verbe fait chair, et sa compréhension possible par les petits (les bergers chez Luc) et l’ensemble des nations (les mages chez Matthieu).

Puissions-nous repartir tout à l’heure dans nos foyers, comme les mages qui s’en retourneront dans leurs pays après avoir adoré, avec au fond du cœur cette étoile qui ne cesse de nous désigner Celui qui est la Lumière du monde manifestée aux hommes.

AMEN.

 

 

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