Célébration oecuménique pour le dimanche de l’Unité des Chrétiens

 

Pasteur Jean-Claude Schwab, à l’église catholique de St-Blaise, NE, le 21 janvier 2007
Lectures bibliques : Néhémie 8.1-10; Luc 1.1-4 et Luc 4.14-21

Savoir écouter, c’est le cœur de la spiritualité.

Si quelqu’un écoute vraiment, il s’ouvre au divin!

Une grande foule s’assemble pour écouter la Parole de Dieu. Le peuple tout entier est là sur place de la ville, « rassemblé comme un seul homme », pour écouter la lecture de la Torah et son explication. Le Temple avait été reconstruit, les murailles aussi. La tâche est finie. Maintenant c’est le temps de célébrer et d’écouter.

Ce récit de Néhémie a attiré mon attention depuis mon enfance, dans le milieu réformé où j’ai grandi.
Il a toujours été « prisé » dans l’Eglise et la tradition protestante qui a nourri chez moi l’amour des Ecritures et de la Parole de Dieu. Pensez donc : une si grande ferveur pour les Saintes Ecritures !
Il en est de même pour le récit de Jésus à Nazareth : lorsqu’il célèbre et lit la Parole du prophète à la Synagogue et qu’il l’actualise ainsi:
« cette parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, aujourd’hui, est accomplie ».
Les protestants s’y retrouvent ou croient s’y retrouver : La Parole de Dieu, l’Ecriture seule !

Je dois ajouter et je me réjouis d’ajouter qu’en côtoyant le monde de l’Eglise catholique, en me nourrissant de sa tradition, j’ai reçu une nouvelle impulsion décisive quant à l’écoute de la Parole de Dieu : Car c’est là que j’ai pu percevoir la force de ces textes, entendre ces récits comme une Parole et trouver le chemin vers une écoute profonde.

Mais revenons à cet événement du temps de Néhémie, au Vème s.av. JC: Huit siècles auparavant Dieu avait parlé à Moïse au Sinaï. Cet événement, cette Parole avait alors bouleversé la vie de tout un peuple. Puis cela fut écrit et récolté dans la Thora.
Au jour de Néhémie, 800 ans après, que faire de ces textes ? Ils sont bien beaux et intéressants, mais ne seraient-ils pas lettre morte? On dit qu’il n’y a pas de plus grand mensonge qu’une vérité morte ; et c’est bien ce qui risque d’arriver à toute Ecriture sainte. Les circonstances sont maintenant nouvelles, on a besoin que Dieu nous parle de façon nouvelle. Comment va-t-il le faire ? Peut-il nous parler à nouveau ?

On voit dans ce récit comment une ancienne Parole, écoutée avec amour et grande attention, dans des circonstances nouvelles, comment ce texte peut devenir une Parole nouvelle, une Parole qui prend vie.Voyez plutôt comment :

Le peuple répond à l’appel et s’assemble comme un seul homme et justement pour écouter ; comment va-t-il écouter ? Avant de lire l’Ecriture :
– On apporte le livre solennellement devant l’assemblée ;
Esdras l’ouvre à la vue de tout le monde, comme un coffre à trésor dont on a trouvé la clé ;
– et tout le peuple fait silence, un long et profond silence ;
puis, Esdras bénit le Seigneur et tout le monde lève les mains ; on est libre comme chez des charismatiques pour dire amen tous ensemble et acquiescer ;
puis ils s’inclinent à leur manière pour adorer Dieu, le visage contre terre.

Pas étonnant, après tout ce chemin d’ouverture du cœur et des sens et cette acclamation de la Parole de Dieu, pas étonnant que chacun soit disposé, attentif à la lecture du livre de la Loi, et présent à Celui qui veut s’y exprimer !
Pas étonnant ce résultat, après deux ou trois heures de cette écoute intense et attentive !
Quel résultat ? Ils sont tous bouleversés, leur cœur est profondément touché au point d’en pleurer, puis de s’en réjouir. Non seulement ils ont compris, mais Dieu leur est devenu tout proche, car ils ont perçu le Dieu vivant qui leur parle ! Ce qui était écrit n’a pas seulement été lu, entendu, expliqué, proclamé mais a aussi été attendu, écouté, honoré. Ces textes écrits depuis si longtemps sont devenus Parole vivante, Parole d’un Dieu vivant, d’un Dieu proche.
Lorsque sa Parole est ainsi écoutée avec pleine attention, Dieu visite son peuple aussi réellement en ce temps-là, qu’au temps de Moïse, lorsqu’il l’a visité sur le Sinaï. C’est la présence réelle de Dieu !

Et vous qui écoutez dans cette église, et vous qui écoutez à la Radio, vous êtes tous mis dans la même situation que le peuple d’Esdras et Néhémie; le même Dieu se rend proche et nous rejoint aujourd’hui pour nourrir notre motivation à vivre et pour parler à notre cœur. Nous sommes nourris de sa présence réelle !

Eh bien, pour moi, c’est en vivant des célébrations catholiques que j’ai appris cette manière d’écouter la Parole de Dieu :
lorsque le livre est amené en procession devant l’assemblée
qu’on se lève et qu’on acclame la Parole de Dieu , en chantant alléluia
puis vient le répons Amen à la prière, « le Seigneur soit avec vous »
avec ce sens d’un profond respect des Ecritures et de l’adoration du Seigneur.

De même, c’est la tradition bénédictine qui nous a appris à faire silence pour écouter vraiment ; pas juste se taire dix secondes, mais laisser s’établir le silence en soi; c’est tout un processus qui prend du temps et qui s’apprend. Non seulement le silence, mais l’attention, la présence à soi, à la Parole qui vient. Si bien que quand la Parole vient, même sans explication, même toute nue, elle se pose comme un flocon de neige, elle engendre, elle fait fructifier ; elle produit un fruit immédiat et à long terme ; elle devient un événement, comme la visitation de Dieu.

Plusieurs siècles plus tard, quand Luc entreprend d’écrire son évangile, c’est le même projet qui l’anime, cette même espérance que Dieu parle à nouveau à nos cœurs profonds. Il entreprend, comme il dit, « le récit des événements qui se sont accomplis parmi nous », pour que la Parole entendue soit confirmée, comme la Parole du Dieu vivant.
Ainsi, il raconte la célébration liturgique à la synagogue de Nazareth. On y retrouve la trace de l’ancien cérémonial de Néhémie :
– le respect solennel du livre
– l’écoute de la Parole de Dieu donnée par le prophète
– l’attention (« tous les yeux sont braqués sur Jésus»).
Mais, reste-t-il une attente, est-ce qu’on s’attend à la visitation de Dieu ?

Jésus lit :
« L’Esprit du Seigneur est sur moi
Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé
Publier une année de grâce du Seigneur ».

Belle parole pour l’ancien Esaïe ou pour un temps à venir très lointain ! Toutefois, Jésus va surprendre tout le monde quand il affirme
« aujourd’hui cette Parole est accomplie, pour vous qui l’entendez ».
C’est comme s’il disait :
« L’Esprit du Seigneur est sur moi, oui !
Dieu vous est devenu tout proche.
Aujourd’hui les fardeaux que vous portez, vous pouvez y renoncer ;
les blessures qui vous défigurent, vous pouvez les déposer,
les reconnaître, les traverser, en guérir ;
les prisons où vous habitez sont ouvertes, vous pouvez en sortir.
C’est l’amnistie générale !
Aujourd’hui quand vous entendez cette Parole de Dieu proclamée,
il se passe quelque chose d’unique et de nouveau.
Dieu est en train de créer maintenant.»

Avec la venue de Jésus quelque chose est changé, quelque chose de nouveau arrive, c’est la réalisation, l’accomplissement. Qu’est-ce, sinon la proximité immédiate de Dieu, la Parole qui se réalise, l’événement, la visite de Dieu parmi nous ! Ce qu’on appelle sa présence réelle.

Quand Jésus lit cette prophétie à Nazareth, Dieu lui-même les visite, l’Esprit du Seigneur commence son œuvre, la Bonne Nouvelle est annoncée, les opprimés, les cœurs brisés sont rejoints et commencent à être délivrés.

Et le même événement se produit aujourd’hui.
Le signe de ce que Dieu nous parle aujourd’hui, c’est qu’il se constitue un peuple unique autour de la Parole lue et proclamée ce matin. Cette Parole qui nous est adressée nous constitue en un peuple de Dieu.
Il est vrai qu’habituellement nous sommes dans des églises et des temples différentes, dans des structures différentes, mais il y a un peuple de Dieu unique : celui à qui Dieu parle ; un même peuple non seulement dans cette église, mais avec tous ceux qui écoutent ce matin.

Ce qui est nouveau, c’est que vous avez reçu le Saint-Esprit dans vos cœurs :
l’Esprit du Seigneur est sur vous,
le même Esprit qui repose sur le Christ, pour guérir les cœurs brisés. C’est cet Esprit qui parle en vous de l’intérieur, comme il parle par Jésus de l’extérieur. Ce qui est nouveau, c’est que vous pouvez entendre la résonance de sa Parole extérieure à l’intérieur de vous. Vous êtes vous-mêmes le lieu où ça parle, où Dieu parle, où la Parole de Dieu redevient vivante.

Encore faut-il l’écouter aussi à l’intérieur et pas seulement à l’extérieur ! Peut-être faut-il faire silence pour entendre ce qui résonne en nous ; et nous pouvons reconnaître une parole en nous, un commentaire ou simplement une prière ou un mouvement, la confiance qui monte en nous, quand nous écoutons à l’intérieur.

L’Esprit du Seigneur est sur moi,
c’est aujourd’hui que ça se passe !

Amen

 

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