Célébration œcuménique du Jeûne fédéral


Extraits

Chanoine Michel de KERGARIOU et Pasteur
Jean-Pierre THEVENAZ, à l’église du Cloître, à Aigle (VD), le 19 septembre
1999
Lectures bibliques :
Ph 1, 20-21 et 25-27; Jn 15, 1-5 et 8-11; Ps
133

Introduction
du chanoine Michel de Kergariou.

Pour notre réflexion ce matin, nous allons nous référer à la
parabole de la vigne dont le Père est le Vigneron, tirée de l’Évangile de Jean
au chapitre 15. Si nous prenons ce texte et nous inspirons des quatre saisons de
la vigne, rien à voir là avec la Fête des Vignerons : il ne s’agit pas de
chanter la vigne, mais le Vigneron, notre Dieu. Il ne s’agit pas de célébrer
l’enchantement du vin, mais de méditer la relation étroite des sarments avec le
cep et leur traitement par le vigneron.
Il s’agit pour nous de tirer le sens
de la parabole: les rigueurs de l’action du Vigneron, notre Maître, sur chacun
de nous et sur nos communautés, tant religieuses que civiles en ce jour du Jeûne
fédéral, pour que nous portions notre fruit. D’ailleurs, dans la succession des
quatre saisons qui soutiennent notre méditation, nous terminerons par l’hiver de
l’attente et de l’espérance du renouveau du Cep, symbole du renouveau de notre
unité en Christ.

Les fruits de la vigne par le pasteur Jean-Pierre
Thévenaz.

Nous avons prié pour que le Vigneron nous travaille en vue de
grappes aussi saines et belles que possible. C’est son Cep qui doit porter du
fruit par nous : au printemps, le Christ – Cep a « pleuré », puis il a poussé des
sarments, ils ont fleuri et donné des grappes. C’est ce que nous sommes.
Aujourd’hui, jour du Jeûne fédéral, nous nous demandons comment notre pays peut
bénéficier de ces fruits de la vie du Christ, à travers toute notre diversité
d’Églises et de communautés, d’actions, tantôt libres, tantôt « officielles ».
Est-ce que ces fruits vont mûrir ?
Voilà donc les conditions pour que nous
arrivions à bien « mûrir » avec nos grappes !

– 1e condition : Tenir ensemble et partager ce que Dieu apprend
à chacun de nous, nous y croyons beaucoup, à cette communion dans nos
découvertes, à cette instruction mutuelle, vraiment fraternelle : pourquoi
rester toujours seuls avec nos convictions, aussi belles soient-elles ? Si elles
viennent de Dieu, elles sont faites pour nous consolider ensemble. Aimons-nous
vraiment !
– 2e ouverture : Entrevoir ensemble où on est en train d’aller,
comment on vivra demain, se demander ensemble comment on pourra garder les
comman-dements de Dieu. Y a-t-il eu, dans les lieux où vivent nos auditeurs,
comme chez nous, des groupesœcuméniques pour tenter de répondre à la
Consultation des Églises suisses sur l’avenir social souhaitable pour notre pays
? Comme on peut encore y répondre d’ici à fin octobre, un groupe d’Aigle va y
réfléchir lundi prochain. Car il ne faut pas laisser l’avenir social entre les
griffes des réalistes : il appartient au Christ et à sa joie en nous !
– 3e
forme de maturation de nos grappes : lancer des projets, créer, agir, et garder
le souci de voir grandir et réussir ces activités. Ce n’est pas de l’orgueil :
c’est ce que l’apôtre Paul appelle notre « gloire en Christ », notre fierté d’être
portés par sa résurrection et son espérance et de faire du neuf, pour des gens
de notre pays (ou d’ailleurs) qui en ont besoin. Souvent des fidèles actifs ou
actives de nos communautés se sont retrouvé-e-s ensemble comme protagonistes de
créations sociales devenues ensuite laïques : pour les familles, pour nos aînés,
pour les adolescents, pour les réfugiés, pour les chômeurs, pour les démunis… Et
cela continue : la radio va le raconter directement après cette
célébration.

On pense parfois que les grappes devraient mûrir toutes seules,
sans notre action. C’est oublier tout ce que fait notre Dieu Vigneron en été –
et qui passe souvent par nous ! Le fruit est là, mais pas encore mûr, et il
s’agit d’assurer la qualité, de la faire progresser, et d’éviter des reculs
sociaux, de ne pas céder à la sécheresse, à la stérilité qui élimine ou exploite
autrui.
Nous appartenons à un Cep, et cela change notre position : nous ne
pouvons plus supporter de voir échouer la vie et sécher les sarments. Nous
restons fiers du Christ qui ressuscite, par-delà tout ce qui meurt et se perd ou
fait honte : l’apôtre Paul écrivait qu’il faut « que grandisse votre gloire,
votre fierté en Christ ». Ce n’est peut-être pas encore la vendange joyeuse qu’on
espère et attend, mais c’est déjà une série de signes :
– Est-ce que la
qualité humaine ressuscite, dans l’organisation des entreprises économiques
?
– Est-ce que la solidarité entre générations ressuscite, dans les décisions
politiques concernant les familles ?
– Est-ce que la prudence écologique
envers la nature ressuscite, là où l’on utilise et où l’on exploite les
ressources disponibles ?

Chez vous citoyens ou chez nous Églises, cette « gloire »
rayonnant du Ressuscité a souvent encore de la peine à grandir : les grappes
sont encore un peu vertes… et pas mûres ! Prions donc le Vigneron qu’il fasse
mûrir ce que nous avons au moins déjà découvert ou entrepris : nos dialogues
mutuels, nos actions de service et d’entraide, nos prières pour la région, notre
témoignage public, nos rencontres, nos expositions…
Et pour le mois à venir,
demandons-lui que les grands déballages de la campagne électorale qui commence,
qui poseront les bases de la future politique fédérale, soient des déballages de
convictions et de projets, de vraie solidarité, plutôt que de chicanes égoïstes
et de blocages.
L’apôtre Paul écrivait à ses interlocuteurs : « Tenez votre
rôle dans la dignité de l’Évangile du Christ » – et ce rôle, c’était d’être
citoyens, car j’ai découvert que le mot grec était exactement : « Menez votre
politique », c’est-à-dire l’affaire de chacun, son comportement public, sa
mobilisation de forces pour que la société soit humaine : à chacun d’y prendre
sa place ! Il y a ce fruit social au bout des sarments, et il faut le porter
« dans la dignité de l’Évangile » : quelle gloire, et quelle fierté !
Louons
Dieu pour les richesses qu’il a semées entre ses diverses Églises !

L’hiver de la vigne par le chanoine Michel de Kergariou.
La
dernière saison de la vie de la vigne, pour nous aujourd’hui, c’est
l’hiver.
C’est vrai, le Vigneron nous a taillés, effeuillés, émondés,
ébourgeonnés dans le continuel printemps de nos vies politiques et religieuses à
construire. Là, nous avons sacrifié pour l’entente, le consensus, la paix
sociale, l’entente interconfessionnelle, l’harmonie des Églises et de l’État.
Tout cela est vrai, ce sont là des fruits. Aussi, à la joie de l’automne, nous
avons une certaine part, et elle a été légitimement manifestée il y a quelques
instants. Serait-ce un pessimisme qui nous ferait terminer en hiver
?
Rappelons-nous des questions tout récemment posées: sur la vie
d’entreprise, les relations entre générations, l’écologie. Et regardons autour
de nous :
– Combien de « gels » de relations diplomatiques… ouœcuméniques
?
– Combien de duretés de sol (ou de cœur) entre peuples ou même à
l’intérieur d’une même nation ?
– Combien d’élans de vie retombés dans
l’indifférence froide ?
– Et que dire de tant d’actes de mort : meurtres,
assassinats, génocides ?… Combien de refus de la vie naissante ?…
Oui,
l’hiver est là, aussi. Et c’est lui qui nous empêche de nous installer dans une
tiède satisfaction. C’est lui qui assombrit toujours.

« Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon
amour.Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit
parfaite. »

Aucune religion n’apporte la perfection, pas plus qu’aucun
régime politique. Chacun, nous n’accomplissons qu’une petite partie du plan de
Dieu. Rien de ce que nous faisons n’est achevé. Le Royaume se trouve toujours
au-delà de nos possibilités. Laissons entrer la sève de la vigne dans les
sarments que nous sommes : elle fera le reste.
Don Helder Camara, récemment
décédé, disait :

C’est la différence entre l’artisan et les ouvriers.
Nous sommes des ouvriers, pas des artisans; nous sommes des ministres, pas des
messies; des prophètes du futur, et non pas de nous-mêmes. Nous manifestons et
collabo-rons à l’œuvre d’un autre.

Il faut regarder un futur, que nous voulons meilleur. Il faut
toujours espérer un nouveau printemps, « un ciel nouveau et une terre nouvelle »
qui sont promesses, et non conquête. Une terre de consommation maximum et de
plaisir ? Une terre dirigée par l’argent ? Ou une « civilisation de l’amour »
?

Et alors, à quel « jeûne » sommes-nous appelés ?
« Sans moi vous
ne pouvez rien faire », nous dit le Vigneron. Et hors du Cep de vigne aucun
sarment ne peut porter de fruit.
– Il est temps de nous relier à « Celui de
qui nous tenons la vie, la croissance et l’être ». Il est le seul Maître.
– Il
est temps d’aimer la vie pleinement, totalement, et en toutes ses
manifestations, même en l’autre différent de nous, pour l’avoir en
plénitude.
– Il est temps de rejeter tout ce qui la diminue, l’avilit et la
tue. Et ce ne sera pas seulement en en manipulant orgueilleusement les
gênes…

Il est temps de se mettre à son service : « Je suis la Vie », dit
Dieu.

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