Célébration oecuménique du Jeûne fédéral

Basilique Notre-Dame à Neuchâtel, le 20 septembre 2009
Lecture biblique : Jean 4, 3-26

 

Jésus et la Samaritaine (Jean 4, 3-26)

Olivier Favre, président FEN, Eglise Evangélique Apostolique : L’eau vive !

Et là, Jésus commence à faire une chose inattendue. Il lui demande à boire et ce faisant, brise deux tabous pour un Juif : parler à une personne de Samarie et parler à une femme seule. En fait en s’adressant à elle, il lui donne de la valeur. En lui demandant à boire, il lui reconnaît de l’importance.
La femme veut bien lui donner à boire, mais elle est très surprise de cet homme qui lui parle sans gêne. Et plutôt que de répondre à son questionnement, Jésus ajoute à son étonnement : « Si tu connaissais ce que Dieu donne, et qui est celui qui te demande à boire, c’est toi qui lui aurais demandé de l’eau et il t’aurait donné de l’eau vive. » Il lui annonce l’accès à une eau vivante qui désaltère de manière définitive. Et là, elle croche. Son intérêt est éveillé. Elle est même très intriguée mais n’a pas encore compris qu’il s’agit d’une eau intérieure.
En fait, tant de personnes autour de nous sont aujourd’hui agitées, se sentent mal dans leur peau, troublées, subissent la crainte du regard d’autrui, etc. Comme cette femme.
Jésus me parle directement par cette image. L’image de l’eau est forte. Savez-vous que nous sommes composés à 65% d’eau ? Sans eau, pas de vie. Or, Jésus propose non seulement de l’eau, mais de l’eau vivante, autrement dit, en français d’aujourd’hui, de l’eau courante ! Jésus veut ouvrir un robinet désaltérant, d’une eau limpide. Mais, me direz-vous, qu’est-ce que cette eau courante ? Cette eau, dans l’Evangile de Jean, c’est la présence du Saint-Esprit dans notre être intérieur, dans nos cœurs. C’est cette présence du Saint-Esprit qui désaltère, redonne des forces à celui qui est fatigué de vivre. Cette eau spirituelle produit un tel bien-être, un tel contentement, que Jésus affirme avec conviction que celui qui boit de cette eau n’aura plus jamais soif, autrement dit, n’ira plus chercher ailleurs.
Finalement, je ne suis pas certain que cette femme ait tout compris du propos de Jésus, mais une chose est sûre, son intérêt a été fortement éveillé. Elle a découvert le début d’une issue à sa situation et s’en est retournée dans son village crier à qui voulait l’entendre qu’elle avait trouvé un homme exceptionnel, sans doute le Messie. Elle a commencé une vie nouvelle. Elle a commencé à goûter de l’eau vive.

Gabriel Bader, président du Conseil synodale de l’EREN : Les frontières

Un Juif parle à une Samaritaine. Un homme parle à une femme, en plein midi. Jésus transgresse des frontières. Mais ces frontières visibles rendent plus évidentes d’autres frontières que Jésus franchit ce jour-là. L’eau est au centre de trois espaces que Jésus traverse :
Le dialogue avec la Samaritaine s’ouvre sur le premier espace : l’eau est d’abord un signe d’humanité. Jésus a soif. On y parle de la corvée de cette femme. On y parle d’un voyageur assoiffé qui rencontre une femme capable de lui tendre de l’eau. C’est midi, il fait chaud. C’est aussi simple que ça. L’eau dont l’homme a besoin.
Puis, on traverse une frontière pour entrer dans un autre espace, symbolique : au fil du dialogue, on mesure que l’eau représente quelque chose. On y parle de l’eau qu’on échange, d’une eau qui fait du bien pour la vie. Le puits, on le sait, est souvent le lieu de la rencontre amoureuse, dans la Bible. Lui a soif. Elle a besoin d’affection. Elle hésite à donner de son eau. Elle ne le fera pas. Et ils parlent de la vie. Lui, de l’eau qu’il peut lui donner. Elle, de sa vie affective. Il n’est plus seulement question de soif, mais d’amour et de vie.
Et on entre dans un troisième espace, théologique : l’eau est au centre d’une discussion théologique. Comment peut-on adorer Dieu en vérité ? La femme samaritaine et l’homme, Jésus, échangent des arguments. Ils disent ce qu’ils ont appris, reçu. Ce qu’on raconte dans leur milieu sur les Juifs, sur Dieu, sur le temple, sur l’eau de Jacob. Elle lui parle de ses traditions, lui, la guide dans une recherche de sens.
Dans ces trois espaces, nous est révélé ce qu’est la foi chrétienne : elle n’est pas juste une réalité humaine, elle n’est pas juste symbolique, elle n’est pas juste théologique. La foi chrétienne est au carrefour de ces frontières : la foi chrétienne parle de notre réalité, de nos soifs, de nos sentiments, de nos manques, de nos réussites ; la foi chrétienne donne sens à la vie, par des symboles, des images, des rites ; enfin, la foi chrétienne est aussi échange, partage des idées, des expériences, de ce que l’on sait ; elle demande à être explicitée.
Quand Dieu rencontre les hommes et les femmes d’aujourd’hui, autour du puits, la foi prend naissance.
A la fin de l’histoire, la femme quitte Jésus. Elle laisse sa cruche. Elle n’en aura plus jamais besoin.
Anne-Marie Kaufmann, curé Eglise catholique chrétienne : La rencontre
Le récit de la Samaritaine, je l’ai toujours aimé, fascinée par ce Dieu-amour qui vient chercher ses créatures en plein quotidien pour les toucher de vie éternelle. En écoutant, je passe de l’étonnement à la curiosité, je cherche à comprendre, comme la femme samaritaine.
Etonnante, cette rencontre socialement inconvenable, et pourtant Jésus et la femme se parlent en toute liberté. Sa remarque, suppose une pointe d’ironie : toi un Juif, tu surmontes tes tabous pour me parler ? Et elle ne craint pas de confronter l’inconnu : tu n’as rien pour puiser, d’où veux-tu prendre de l’eau vive ? Crois-tu être plus grand que notre père Jacob ?
Grâce à son attitude passionnée et vive, Jésus peut la conduire plus loin, là où il perçoit la soif de son âme bien différente de sa propre soif d’eau du puits. Petit à petit, nous arrivons à déceler les deux niveaux de signification de l’eau, de l’eau terrestre du puits et de la source vive de l’Esprit.
Jésus, homme fatigué de marcher, demande à boire au bord d’un puits : cela n’a rien de vraiment étonnant. Mais Jésus, Dieu incarné, demandant à la Samaritaine à boire, prenant l’initiative de la rencontre, je trouve cela profondément émouvant. Mais que se passe-t-il là ?
Dieu, en Jésus, veut avoir besoin de nous. C’est en nous invitant à son service librement, qu’il nous gagne. La femme le comprend très bien à la fin. Débordante de ce qu’elle vient de vivre avec Jésus, elle n’attend pas qu’il le lui demande, elle prend l’initiative elle-même et va chercher ses semblables. L’eau vive de l’Esprit pousse au partage.
Certes, c’est cette dimension qui intéresse ici l’évangéliste. Mais une question ne me lâche plus : Est-ce que Jésus a bu l’eau de la femme ? Tout le monde, y compris les commentaires, disent que non. Le texte ne le dit pas. Pas important ? A la fin, la Samaritaine laisse sa cruche au bord du puits. Il y a plus urgent à faire.
Mais aussi sûr qu’elle reprendra sa cruche, boira de l’eau tant qu’elle vit sur terre, aussi sûrement cette vie terrestre importe à Dieu. Vie d’Esprit et vie terrestre sont liées, nous touchons au mystère de l’incarnation, de la vie. Dieu veut avoir besoin de nous, pas seulement en apparence. Dans la bouche de Jésus, sa demande « donne-moi à boire » est celle de tous les assoiffés du monde. La femme, désormais, chaque fois qu’elle puisera de l’eau, pensera à sa rencontre avec Jésus, sa façon de donner à boire, sa façon de raviver l’autre, ne sera plus jamais la même.
Jean-Jacques Martin, vicaire épiscopal, Eglise catholique romaine : Les adorateurs
La présence divine était jusqu’ici liée au temple de Jérusalem. Désormais, c’est la personne de Jésus qui rend visible cette présence divine. La nouveauté consiste donc en une adoration du Père dans le Christ. L’Esprit étant celui qui nous fait entrer dans cette nouvelle relation.
Et le Père cherche de tels adorateurs. Le Père est en quête. Il nous propose une vocation urgente au sein de notre monde si peu contemplatif, si peu sensible à la gratuité de la prière. Accéderons-nous à son désir ?
Or, souvenons-nous que l’eau qui désaltère définitivement, sa source est dans le cœur de l’homme s’il veut bien laisser Dieu l’habiter. Dieu, désormais, n’est plus un vis-à-vis de l’homme seulement. Dieu, source inépuisable, veut habiter le cœur de l’homme, il veut habiter toute sa vie.
C’est un magnifique résumé de la foi chrétienne.
Dieu n’est plus le fournisseur à implorer. Le croyant possède en lui toute la richesse et la puissance de Dieu. Comme cela se passe pour l’homme Jésus, tout homme, s’il le croit, devient lui-même une humanité divine, il devient corps du Christ. Sa mission est bien de diffuser, sur tous ceux qu’il rencontre, la puissance nourrissante et désaltérante de Dieu. Le croyant est devenu source. Il n’a plus seulement à écouter Dieu, à marcher à la suite du Christ. Par lui, c’est désormais Dieu qui parle, c’est Jésus qui continue à marcher vers les hommes : par son cœur, Jésus continue à aimer les hommes ; par toute sa vie, Jésus continue à se livrer pour ses frères.
La Samaritaine le comprend. Elle part aussitôt annoncer sa découverte, annoncer la Bonne Nouvelle. La foi saisit chacun. La foi, c’est-à-dire Dieu même, les habite désormais. De bénéficiaires de Dieu, ils en deviennent les diffuseurs. Ils sont devenus apôtres. Ils sont devenus adorateurs en esprit et en vérité.

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