Célébration oecuménique

 

 

Pasteur François Paccaud, à la prison de Bois-Mermet, Lausanne, le 4 mai 2003.

Lecture biblique : Jean 10, 19-23 ,

Chers frères,

Cette pièce où nous nous trouvons au sous-sol du Bois-Mermet n’est pas bien grande, elle n’a qu’une petite fenêtre avec des barreaux, et ses portes sont fermées à clé.

Nous voilà, un peu impressionnés de vous parler à vous qui nous écoutez devant votre poste. Il y a en nous, en sourdine, divers sentiments : de la crainte vis-à-vis de la justice et des autorités, des regrets vis à vis des victimes, de l’inquiétude pour l’avenir, de la tristesse pour ce que nous avons perdu… un travail, une réputation, une amie ou une épouse peut-être.

 

Mais nous avons aussi le plaisir d’être ensemble, puisque pour une heure, vous êtes sortis de l’isolement de votre cellule pour célébrer avec nous, et avec les auditeurs de la Suisse romande. Et il y a aussi la joie, de célébrer la Résurrection de Jésus.

 

Parmi les soeurs et les frères qui nous écoutent, et qui prient avec nous, il y en a certainement qui souffrent de la solitude, qui sont confinés dans leur appartement, en quelque sorte prisonniers, de la maladie ou du grand âge. Et personne ne traverse la vie sans éprouver des pertes, sans connaître des deuils.

Si l’on écoute la célébration à la radio, c’est pour communier avec les autres croyants, c’est pour nourrir sa foi, pour être moins seul, aussi. Et aujourd’hui, nous formons une communauté de foi traverse les murs et les barreaux.

 

Points communs avec les disciples de notre texte,

Au fond, nous sommes assez bien placés pour comprendre les disciples de Jésus. Ils étaient réunis dans une maison, ils avaient fermé les portes à clé, par crainte des autorités juives. C’était le dimanche soir, la nuit tombait. Jésus avait été condamné à mort et exécuté deux jours plus tôt, ils pouvaient craindre de subir le même sort. Ils étaient tristes d’avoir perdu leur maître, leur ami.

Avec un petit espoir, puisque les femmes leur avaient dit que le tombeau était vide et qu’elles l’avaient vu, lui Jésus, vivant. Mais, pouvait-on les croire ? Ils s’étaient donc enfermés, ils avaient peur, ils étaient tristes et inquiets.

Irruption de Jésus : Jésus vient

Et l’évangéliste Jean, très sobrement, dit « Jésus vint ». (…) Quoi ? C’est tout ? Ce qui se passe là est tout de même un événement extraordinaire, surnaturel, Cela signifie que Jésus est vivant, au-delà de la mort ! Que son corps ressuscité peut apparaître malgré les portes fermées !

« Jésus vint » dit Jean. Comme si c’était tout simple. L’évangéliste ne s’intéresse pas beaucoup au comment de la résurrection. Il se contente de dire: « Jésus vint »… il se tint au milieu d’eux, et leur dit: « La paix soit avec vous ».

Ainsi Jésus est vivant, il est là, sans fracas, et il leur souhaite la paix.

Appel à la foi, à l’accueil de la présence.

Oui, frères et soeurs, je crois que Jésus est vivant. Il est là, sans fracas, a l’intérieur de nos murs, de nos cellules, de nos appartements. Il nous souhaite la paix.

Il est vivant, il est là, dans nos moments de silence, si nous ouvrons les yeux de notre coeur. Si nous le contemplons avec les yeux de la foi.

Il est là quand dans notre prière, nous lui confions nos peines et nos inquiétudes. Il est là quand nous méditons sa Parole, sa vie, son histoire.

Il nous réjouit, quand nous réalisons que nous ne sommes pas seulement des individus seuls et souffrants, mais aussi des enfants que Dieu aime, qui appartenons à la famille des croyants.

Il ranime notre espérance dans ce temps de Pâques, il nous rappelle que notre vie actuelle n’est pas toute notre vie d’être humain.

Témoignage de détenus:

La présence de Jésus vivant est une réalité de la foi. Je pense à David, à Durim, à Ejime, à Tony, qui ont trouvé dans la présence de Jésus la force de supporter leur détention. Je les ai entendus témoigner qu’ils ont prié, qu’ils ont eu, dans la foi, la grâce de ne pas céder à la haine, mais de garder l’amour. Ils sont devenus d’une certaine manière des hommes nouveaux, ressuscités.

Je pense à cette femme, toujours serrée dans un corset, dont les os étaient fragiles comme du verre, souvent à l’hôpital, et qui souriait, et qui réconfortait ses voisins de chambre.

La présence de Jésus vivant n’est pas fracassante, mais elle est douce au coeur, et bienfaisante à l’âme. Et dans ce temps de Pâques, elle nous donne espoir.

2 Rassemblés pour lutter contre ses faiblesses

Frères et soeurs,

prisonniers ou auditeurs de la radio, nous sommes réunis en une forme de communauté, invisible, une communauté qu’il faut saisir par la foi. Nous sommes réunis, comme les disciples dans leur maison, portes et fenêtres fermées. Nous sommes rassemblés.

J’ai trouvé dans un commentaire une note intéressante à ce propos. Le commentateur, qui se prénomme Jean, comme l’évangéliste, note que les disciples avaient peur, mais qu’ils ne « lâchaient point la bride à leur infirmité », c’est-à-dire qu’ils ne se laissaient pas aller à leur faiblesse. Ils ne donnaient pas libre cours à leur peur, à leur inquiétude, à leur esprit négatif, ou à la haine. Ils s’étaient rassemblés pour être plus forts.

Je crois que nous aussi, nous gagnons à lutter contre nos faiblesses, à ne pas nous laisser aller. Il y a dans nos têtes bien assez de croyances et de pensées négatives, et dans nos coeurs bien assez de ressentiment ou de méfiance. Nous connaissons nos ornières, nos pentes savonneuses.

Comme le suggère Jean, nous pouvons tenir la bride à nos faiblesses, et nous rassembler, nous entre aider pour être plus forts. Pour être unis au-delà des barrières de toutes sortes, dans la conviction que l’amour est plus fort que la mort.

3 Jésus envoie

Dans ce bref récit de Pâques, Jésus rejoint ses amis là où ils en sont. Sans fracas, il leur souhaite la paix. Mais il ne se contente pas d’entrer dans leur chambre fermée, il les en fait sortir. Après leur avoir dit « La paix soit avec vous ! Il ajoute « Comme le père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » et il souffla sur eux, et leur dit « Recevez le Saint-Esprit »

Et il leur a transmis cette force qui les transforme. Une telle mission dépassait leurs forces humaines, il leur fallait bien le souffle de Dieu ! Ces hommes soutenus par la force de Dieu ont désormais une mission, un but pour la suite de leur vie : annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

 

Pour vivre, nous aussi avons besoin d’un but. Nous avons besoin de vivre pour quelqu’un, ou pour quelque chose.

Qu’est-ce qui va donner du sens à ma vie ? (Gagner de l’argent es tun moyen, pas un but) Un projet ? Une oeuvre, si modeste soit-elle ?

J’imagine que parmi les auditeurs beaucoup sont âgés, et ont déjà réalisé une oeuvre, déjà eu des enfants et petits-enfants. Par contre parmi vous qui êtes au Bois-Mermet et dans d’autres prisons, il y a surtout des jeunes. Vous êtes au début de votre vie. A chacun de chercher, et de trouver le but de sa vie.

Interpellation

La question du sens se pose aussi à notre société, à ses autorités judiciaires et pénitentiaires.

Par la prison, notre société exclut un délinquant ou un criminel, parce qu’il a violé ses règles. C’est logique, et c’est sans doute justice, mais veillons à ne pas exclure définitivement, à ne pas ôter tout espoir. Car l’être humain est un être de relation. Exclure totalement une personne, c’est la priver de son humanité.

Nous autres aumôniers, ou surveillants, voyons parfois des prisonniers devenir des taulards. Je veux dire par là qu’ils basculent vers le rejet total, parce qu’ils ont perdu tout espoir de réintégrer la société. Au lieu d’être des prisonniers pour un temps, désireux de reprendre leur place parmi leurs semblables , ils deviennent des taulards, déterminés à rejeter cette société qui les a exclus. C’est une question d’espoir.

 

4 Le pardon

Notre passage d’aujourd’hui se termine avec la mention du pardon, et du pouvoir de pardonner. Je dirai très brièvement pour conclure que ce n’est pas un hasard si la parole qui fait sortir les apôtres de la maison où ils s’étaient enfermés, dit le pardon. Oui, le pardon, à demander ou à donner, nous fait sortir de bien des enfermements.

 

Mes frères et soeurs,
Que le message de Pâques, message de pardon et de vie, descelle les barreaux de notre coeur, et ouvre les serrures de nos esprits.

 

Amen.

 

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