Célébration de l’onction des malades

 

Mgr Norbert Brunner et Dr Francis Rime, le 8 juin 2008, à Lourdes
Lectures bibliques :
Jacques 5, 14-16; Marc 1, 29-34

Mgr Norbert Brunner, évêque de Sion :

Chers pèlerins, chers frères et sœurs,
L’appel que lance l’apôtre Jacques dans la lecture de ce jour a été suivi, à l’époque de Jésus, par de nombreuses personnes qui ne cessaient de prier pour être guéris de leur maladie. Le passage de l’Évangile que nous avons entendu lors de cette célébration de l’onction des malades rapporte que Jésus exauce ces prières. En effet, il est dit qu’on lui amenait des malades et des possédés et qu’il guérissait beaucoup de gens qui souffraient de toutes sortes de maladies. Ces guérisons étaient tellement importantes pour Jésus, elles étaient tellement au centre de son action, qu’il en a fait le signe de sa mission pour les hommes. Lorsque des émissaires de Jean sont venus chez lui pour lui demander s’il était l’envoyé de Dieu, il répondit : « Allez et dites à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient et les paralysés marchent ; les lépreux sont purifiés et les sourds entendent. » (Mt 11, 4-5)

La confiance que nous avons dans les paroles de Jésus nous a rassemblés cet après-midi pour cette célébration. Et c’est aussi notre plus ardent désir d’être guéris de nos maladies, de nos faiblesses et de nos infirmités. Qui ne souhaiterait pas ardemment rester le plus longtemps possible continuellement en bonne santé. Malheureusement, l’expérience humaine nous apprend autre chose. Nous sommes sans cesse confrontés à la maladie et à la souffrance, dans notre propre vie, dans la vie de notre famille et de nos communautés. Souvent, nous ne comprenons pas pourquoi il doit en être ainsi. Nous cherchons des réponses. Nous sommes impatients ou bien nous nous révoltons contre ce qui nous arrive.

Mais, aujourd’hui, nous voulons nous adresser à nouveau en toute confiance au Seigneur et recevoir sa grâce dans le sacrement des malades. Et même si nous ne sommes pas, ou pas tout de suite, guéris de nos maladies, nous sommes conscients de la force que nous allons recevoir. Ayons la même confiance que la Vierge Marie. La réponse qu’elle a donnée à Nazareth à la question de l’ange qui lui demandait si elle voulait être la mère du Sauveur, doit être aussi la nôtre : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » Par ces paroles, Marie a mis toute sa confiance en Dieu et elle s’est remise entre ses mains. Que de renoncements ce « oui » n’aura-t-il pas entraînés ! Loin d’échapper aux souffrances et aux épreuves, elle y a été souvent confrontée depuis le temps où elle demeurait à Nazareth jusqu’au pied de la croix.
Marie a tenu bon parce que, à chaque instant de sa vie, elle a vécu dans la lumière de l’Annonciation et dans la fidélité à son « OUI » à Dieu. Et cela lui a suffi. De cette lumière qui a illuminé sa chambre de Nazareth, elle va en vivre jusqu’au pied de la croix. Elle sait que Dieu demeure fidèle aux côtés de ceux qu’il aime même et jusque dans les heures de peine et de doute.

La fidélité de Dieu nous est acquise à nous aussi. Même si toutes les  apparences semblent contraires. Dans la confiance en la fidélité avec laquelle Dieu nous aime, rendons grâce pour tous les dons que Lui-même veut nous faire. Acceptons-les et remercions-le ! Prions sans cesse et n’oublions pas d’invoquer la Vierge Marie en disant : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ! »
Amen !


Dr Francis Rime, médecin-chef du Pèlerinage de la Suisse romande :

Chers Malades, Chers Amis,

Dans l’hôpital de district où je travaillais il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de soigner une patiente d’environ 80 ans qui souffrait de mouvements incontrôlables et incessants de la bouche, de la face et de la langue. Lors de la première rencontre, je fus surpris et même choqué par la gravité de cette mimique grimaçante et désagréable qui rendait le contact difficile.
Cette personne, dont l’intelligence était conservée, a sans doute compris mon désarroi en voyant la tristesse de mon visage. A la question, survenue quelques jours plus tard, de savoir ce qui la tenait debout en dépit de son handicap : « Savez-vous, Docteur, que je connais le secret du Bonheur ! » me confia-t-elle. Stupéfaction ! Les rôles s’étaient inversés. Mais sentant qu’une Présence habitait cette personne, je lui portai un intérêt croissant, espérant aussi qu’elle me communiquerait son secret, le secret du Bonheur qu’elle connaissait.

Avait-elle compris qu’on ne fait pas des démonstrations avec les sentiments qui rendent heureux ? Elle passait ses journées à égrener son chapelet, ne se plaignant guère de son infirmité pour laquelle d’ailleurs nous étions malheureusement impuissants ou peu efficaces.
Cette patiente revint plusieurs fois à l’hôpital et c’est finalement presque à genoux que je la suppliai de me confier son secret. Elle, la malade dont le visage, au premier abord, pouvait susciter la pitié, allait me confier à moi – bien portant – ce qui me manquait pour accéder à son niveau d’intériorité.

Le secret du Bonheur, c’est le contentement finit-elle par me dire ; le contentement. Il ne faut pas le comprendre comme une résignation face à une situation douloureuse et irréversible. Le contentement, ce n’est pas seulement faire bonne figure à mauvaise fortune, supporter en silence une réalité qu’on ne peut pas changer. Non, cette femme était riche de ce qu’elle avait en elle, de ce trésor caché au plus intime d’elle-même. Elle avait compris que son je, que son moi ne se résumait pas à sa maladie. Elle avait eu l’intuition que quelque chose ou quelqu’un l’habitait et que ni la maladie, ni la mort ne peuvent anéantir. Non, sa maladie n’aurait pas le dernier mot. Manifestement, cette personne vivait sous le regard de Dieu, en intimité avec Lui, et elle en éprouvait de la joie.

Mais cette expérience, cette rencontre, cette Présence au plus intime d’elle-même, cette patiente ne l’a pas gardée pour elle seule. Elle a accepté de la communiquer comme une bonne nouvelle. Ce n’est pas forcément qu’elle voulait se montrer généreuse mais, quand la coupe déborde, il y en a aussi pour les autres et ainsi mon attitude à son égard, certes compatissante, s’est trouvée largement récompensée par le secret qu’elle m’avait livré dans un cœur à cœur.
J’ai compris aussi, à ce moment-là, que l’Humanité qui souffre est combien plus belle que celle qui s’éclate. Le monde qui souffre invite au Silence et  le Silence nous met à l’écoute de la Personne.

Il faut beaucoup de temps au petit enfant pour comprendre  que les absences momentanées de sa mère ne signifient pas sa disparition définitive. Il va finir par intérioriser son image et ne plus craindre de la voir s’éloigner un instant. Ainsi, il nous faut sans doute longtemps, comme le dit Lytta Basset, pour comprendre que la Présence invisible est une Présence réelle. Ce que manifestement cette patiente avait compris.

Mes chers amis, des malades ici à Lourdes il n’en manque pas. Je souhaite à chacun de nous, lors de chaque rencontre  avec l’un d’eux, d’y aller avec les yeux du cœur, ceux qui permettent de voir l’essentiel.

Auprès des patients dans les taches les plus subalternes, voire ennuyeuses, je vois Jésus au lavement des pieds. Quand je compatis en vérité, en mettant mes forces et mon savoir pour soulager ce corps qui fait souffrir, je suis Simon de Cyrène qui aide Jésus à porter sa Croix. Quand je manifeste de l’affection à celui qui est en larmes, je suis Véronique essuyant le visage ensanglanté du Christ. Je crois que la relation à Dieu passe par le corps, qu’il guérisse ou non ; ce corps dont on peut dire qu’il est l’interface entre le monde intérieur et le monde extérieur.
Quand, enfin, je suis dans le doute ou la mélancolie, j’implore Marie, celle de la 15ème station ici tout près sur la Prairie, qui est représentée dans l’attente de la Résurrection, Marie debout, protégeant par le geste de ses mains, ceux qui veulent se réfugier dans son cœur. Marie vit ce temps dans la douleur mais aussi dans l’espérance de la victoire de la vie sur la mort comme le montre déjà la face voilée du corps glorieux de Jésus, toujours présent au plus intime de nous-même.

Mes chers Amis, quand je viens à Lourdes, je viens faire ma réhabilitation spirituelle. C’est ce que nous allons faire maintenant ensemble en communion avec celles et ceux qui vont recevoir le sacrement des malades.

 

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