Célébration de la Passion

 

Mgr Joseph Roduit, le 21 mars 2008, à l’abbaye de Saint-Maurice
Lectures bibliques :
Isaïe 52, 13 – 53, 12; Hébreux 4, 14-16; 5, 7-9; Jean 18, 1 – 19,42 – Année A

La liturgie de ce jour

Les liturgies de ces jours-ci sont hautement significatives de ce que le chrétien est appelé à vivre tout au long de l’année. Comme la vie qui est faite de joies et de peines, de souffrances et de moments de bonheur, ainsi la liturgie nous invite à célébrer la naissance à Noël, la mort le vendredi saint et la résurrection au matin de Pâques.
Mais ces mystères ont leurs échos tout au long de l’année, comme en nos vies : les naissances nous réjouissent comme les morts nous attristent. Et, entre deux, il y a la réalité du quotidien qui se fraie des chemins d’espérance parmi bien des évènements qui nous effraient, des chemins d’amour et de charité au milieu de bien des injustices et des mépris. Mais l’acte de foi de Pâques nous invite à croire en une vie plus forte que la mort, en un pardon plus fort que la haine, en la grâce plus forte que le péché.

Le Messie souffrant

Tout cela grâce à Jésus de Nazareth que l’on est invité à découvrir comme le Messie annoncé par les prophètes, un Messie souffrant capable de donner  sens à la souffrance elle-même.

La première lecture entendue tout à l’heure est étonnante de prophéties quand on la relit comme à travers la Passion de Jésus. Quel réalisme et quel sens théologique dans des phrases telles que celle-ci :

 
« Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés »
Le jour où il paraîtra, Jean-Baptiste pourra le présenter : « Voici l’agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde »
L’auteur de la lettre aux Hébreux pourra dire : « Bien qu’il soit le Fils,il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa passion ; et, ainsi conduit à la perfection, il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel »

Car c’est bien de cela qu’il s’agit pour un chrétien : obéir. On n’aime pas trop aujourd’hui ce terme d’obéir. Or il signifie une écoute attentive de la volonté de quelqu’un qui veut notre bien. Obéir c’est aller au-devant des désirs de celui qui ordonne, parfois avant même qu’il se soit exprimé. Jésus a vécu cette obéissance au Père : sauver les hommes en partageant leurs peines et leurs joies, leurs souffrances et leurs réussites. Il n’est pas un Dieu lointain et justicier, impassible et indifférent, mais un Dieu compatissant. Dès lors toute personne qui souffre se sentira en compagnie de celui qui souffre avec lui, le Messie compatissant qui ne laisse personne seul. Encore faut-il découvrir qu’il est là près de nous, partageant nos tristesses et nos angoisses, nos joies et nos espérances.

La Passion selon saint Jean

La liturgie de cette semaine sainte nous a permis d’entendre déjà la lecture de la Passion de Jésus. Dimanche dernier, dimanche des Rameaux, nous avons en effet entendu la passion selon saint Matthieu.
Aujourd’hui, vendredi saint, c’est traditionnellement le texte de saint Jean qui nous est présenté.

Il importe de savoir que les premiers écrits évangélique étaient essentiellement ceux de la Passion de Jésus. Les autres récits des enseignements, des miracles, des évènements ont été écrits plus tard.
Au début, le fait que celui qui se disait le Fils de Dieu, le Messie annoncé par les prophètes, aie du ainsi souffrir, cela paraissait tellement inouï qu’on en a fait des témoignages écrits pour qu’ils soient relus aux fidèles, les premiers chrétiens.
Les Passions des quatre évangiles sont semblables, racontent les mêmes évènements, mais cependant on sent la personnalité des écrivains sacrés à travers leur manière de présenter les faits.

C’est ainsi que, dans la Passion selon saint Jean, on sent que Jésus est Maître de ce qui lui arrive. Il ne subit pas la Passion tout simplement. Il va au-devant d’elle avec courage parce que son heure est venue.
Encore bouleversé bien des années plus tard quand il écrit, saint Jean nous fait revivre les évènements mais leur donne tout leur sens. En particulier, en témoin direct, il sait nous redire ces paroles inouïes de Jésus, couronné d’épines, osant dire à Pilate qu’il est roi !
Ce qui peut paraître grotesque va être révélateur de ce qu’est le Royaume des cieux. Il n’a rien à voir avec les valeurs mondaines ou politiques d’une royauté terrestre. C’est ainsi qu’aujourd’hui, pour nous, un malade, un infirme, un pauvre, un étranger a le droit d’être traité comme un roi.
Dès lors, toute personne a droit a un respect profond et plus personne ne peut être rejeté ou rabroué au nom d’une race, d’une origine, d’une infirmité, d’une religion ou d’une culture différente.
Car le Christ Messie s’est identifié au pauvre, au petit, au malade, au prisonnier, à l’étranger allant jusqu’à dire, au jugement dernier : « Tout ce que vous aurez fait, au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait ».
Le Christ s’est abaissé au point qu’on ne peut pas tomber plus bas que  dans la profondeur de la miséricorde de Dieu. Que le pécheur sache qu’au fond même de son péché, il y a, comme en dessous, la main tendue du pardon et de la miséricorde. Que le malade, le souffrant sache qu’au creux de sa souffrance il y a le Seigneur qui souffre avec lui. Que celui qui subit le mépris, l’injustice, voire l’exclusion découvre que Jésus le Messie a subi tout cela pour lui.

Des signes de résurrection

Si tout s’arrêtait à la mort, à quoi bon souffrir tout cela, n’est-ce pas peine perdue, souffrance inutile, mort stupide ?

Mais la foi en la souffrance du Messie nous conduit au matin de Pâques. Alors tout s’éclaire. Et ce matin n’est pas que dans l’éternité. Il est déjà en ce monde. Les actes d’amour et de charité, les actes de compassion et d’accompagnements sont déjà des signes de résurrection. Des actes de pardon et de réparation sont déjà des signes de vie nouvelle. Des attitudes de bienveillance et d’attention sont aussi des signes de victoire de la joie sur la tristesse, de la grâce sur le péché, victoire de l’accueil sur l’exclusion, du pardon sur l’offense.
Célébrer le vendredi saint sans la perspective de Pâques, c’est un non-sens. Mais vouloir célébrer Pâques sans passer par le vendredi saint c’est un manque de réalisme, un manque d’attention aux peines et aux souffrances des hommes.

Conclusion

C’est pour découvrir que Jésus vient nous sauver et sauver l’humanité que nous allons maintenant prier aux grandes intentions de l’Eglise, vivre la liturgie de la Croix et communier au Christ vivant dans l’Eucharistie.
Que cette célébration relayée par les ondes atteigne celui qui a le coeur blessé et lui apporte le baume de la consolation, les premiers signes de la Résurrection.
 Amen.

 

 

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