Messe du 2ème dimanche de Carême

 

 


Père Albert Longchamp, à l’église Ste-Croix, Carouge, le 24 février 2002

Lectures bibliques :Genèse 12, 1-4; Matthieu 17, 1-9

Parole de Dieu, paroles des hommes

Cause toujours !


Ce fut, au sens strict, un grand pas pour l’humanité. Lorsque Abraham quitte sa terre, son pays, sa culture et les dieux ancestraux, pour se lancer dans l’inconnu, il ne sait pas qu’il deviendra le père d’une « grande nation », l’ancêtre d’une aventure spirituelle absolument inédite, l’origine de trois religions parmi les plus fécondes de l’histoire : le judaïsme, le christianisme et l’islam.

Avec Abraham, un éclair traverse la conscience de l’humanité. Dieu n’est pas multiple. Il n’est pas sculpté de mains d’homme dans la pierre, ni façonné dans l’or ou l’argent ; il n’est pas dans le tonnerre, le soleil ou la mer : il est inaccessible par nos propres forces, mais c’est lui qui se révèle, il s’est choisi un peuple pour annoncer son projet, il n’y a pas d’autres Dieux que l’Unique, révélé à Abraham et Moïse, incarné en Jésus Christ.

La grande « famille » d’Abraham, sur laquelle est venue se greffer l’islam, a certes connu durant son histoire le cortège tragique de divisions, de rivalités et de violences sans fin. Mais la marche de l’humanité ne fait que commencer. L’homme, pour vivre, a besoin d’une vision qui porte son espoir d’un monde transfiguré. Le chrétien, pour sa part, en levant les yeux vers l’horizon du futur, ne voit que « Jésus seul ». Le Christ est pour nous la vérité qui éclaire l’épaisseur de notre destin, le chemin à suivre pour éviter les utopies mensongères, il est pour nous l’unique source de vie.

Cette certitude est-elle une proposition orgueilleuse, insupportable ?
Que personne ne s’offusque. Le christianisme ne réduit pas les autres religions au silence. Mais il serait voué, lui, à l’insignifiance, s’il ne proclamait pas haut et fort ce qu’il croit, espère et vit. Dieu s’est risqué dans une parole d’hommes. C’est à nous, aujourd’hui, que revient la mission de transmettre sa présence selon le message de l’Evangile. Voilà une chance à ne pas manquer, avec tous les moyens dont nous disposons, y compris les outils offerts par les nouvelles technologies.

Jadis, l’Eglise prêchait du haut de la chaire, dans des cathédrales, parfois sur des places publiques, mais toujours dans des cercles relativement restreints. La première évangélisation doit tout à cette communication à taille humaine. Mais aujourd’hui la révolution médiatique confère une audience mondiale, instantanée, à la parole, à l’image et au son. Internet renforce cet effet au niveau de la relation interpersonnelle. Le temps est comprimé dans des fractions de seconde. L’espace est aboli. La frontière des langues n’est plus un obstacle. Dans le monde sans frontières, la foi chrétienne ne saurait devenir muette.

Ce qui se traduit, sur le plan ecclésial, dans le fait que l’Eglise peut s’exprimer partout, simultanément, mais que son autorité est aussi, partout, livrée à la discussion, au débat, à la contestation, à l’émotion. L’Eglise est sommée de s’expliquer sur ses choix, actuels et passés. Ainsi la polémique sur l’attitude des catholiques pendant la persécution des Juifs par les nazis a-t-elle rebondi avec l’arrivée du film « Amen ! », sur le grand écran.

Autrefois l’Eglise exposait sa doctrine, aujourd’hui elle s’expose aux risques et – surtout – aux chances de la communication médiatique : bien peu d’églises, en Suisse romande, rassemblent ce matin autant de récepteurs de la parole de Dieu que l’auditoire virtuel formé, grâce à la radio, autour de la messe paroissiale célébrée dans cette église Ste-Croix de Carouge. La communication est devenue essentielle à la vitalité de nos communautés, à la dymanique de l’Eglise. Elle est le support actuel de l’annonce faite à toutes les nations.

Mais il ne s’agit pas seulement de prêcher. L’information est une nécessité. L’Eglise doit chasser de chez elle la parole trompeuse, la parole tronquée, la langue de bois, la peur de l’opinion et le refus de la prise de parole. Museler la parole vient du diable, qui déteste la vérité. Libérer la parole, c’est la grâce de l’Eglise, qui a confiance dans la vérité.

Si nous avions au moins une parcelle de la foi des prophètes, de Jésus, des premiers disciples, des mystiques et des martyrs, le monde en serait transfiguré.
Amen !

 

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