Messe du 13ème dimanche ordinaire

 

Frère Gilles Emery O.P., au monastère des Dominicaines à Estavayer-le-Lac, le 1er juillet 2001

Lectures bibliques : I Rois 19, 16-21; Galates 5, 1-18; Luc 9, 51-62

Si le Christ nous a libérés, nous dit S. Paul, c’est pour que nous soyons libres. Mais de quelle liberté s’agit-il ? quelle est cette liberté que le Christ veut nous donner ? C’est la liberté de le suivre, la liberté de vivre avec le Christ pour donner son existence à Dieu. L’évangile se fait ici provoquant, exigeant : à qui veut, avant de suivre Jésus, prendre congé des personnes de sa famille, Jésus explique que le Royaume de Dieu doit recevoir la priorité, sans qu’on regarde en arrière. Même à celui qui connaît l’épreuve d’un deuil, Jésus adresse l’appel à servir d’abord le Royaume de Dieu : « Laisse les morts enterrer leurs morts ». Mais comment est-il possible que l’évangile, qui veut nous aider à entretenir des relations humaines dans leur dignité, comment est-il possible que l’évangile traite de la sorte les relations familiales, et même l’épreuve d’un deuil ?

Pour le comprendre, il faut d’abord regarder dans quelles circonstances Jésus a prononcé ces paroles. Jésus, nous dit l’évangéliste S. Luc, se trouve au moment du choix où il affronte librement sa mort : il prend maintenant le chemin de Jérusalem, où il se sera jugé et pendu sur la croix. Il « durcit alors son visage », nous dit S. Luc : c’est le moment de l’épreuve de la liberté, le moment du choix exigeant, le choix sur lequel on ne revient pas. C’est le moment du départ : Jésus quitte la Galilée où il avait vécu, il laisse la vie qu’il a passée avec les siens, et choisit librement, dans le combat intérieur, d’aller vers sa Pâque, d’aller jusqu’à l’extrême de la fidélité à son Père : donner sa vie par amour, pour son Père qui est la source de toute vie aujourd’hui et demain. C’est dans ce départ de Jésus que les croyants sont appelés à trouver eux aussi le chemin de leur existence. Jésus appelle à choisir la vie avec Dieu, à faire le choix de la fidélité à Dieu. Et ce n’est pas à un moment banal qu’il nous le dit, mais il le dit au moment où il fait lui-même l’expérience difficile de la fidélité. C’est sur le choix libre de Jésus pour le Royaume de son Père qu’il nous appelle à modeler à notre tour nos propres choix. C’est en gardant comme lui la fidélité à son Père qu’il nous invite à vivre à notre tour notre liberté. Dans la foi, il nous prend avec lui sur son chemin. Ce chemin est celui de la communion avec Dieu, c’est le chemin de Pâques, le chemin de la vie plus forte que la mort, et c’est ce chemin que nous demandons lorsque nous prions : « Notre Père, que ta volonté soit faite ».

Les relations humaines, nos relations familiales, nos relations d’amitié, de travail ou de loisir ne sont pas disqualifiées. Au contraire. L’exemple de Jésus, et la parole qu’il adresse à ceux qui veulent le suivre, nous disent que c’est dans la fidélité à Dieu que nous trouverons la source de nos fidélités humaines. Et c’est aussi dans la relation d’intimité personnelle avec Dieu que nous trouvons la lumière qui aide à mieux chérir les relations humaines. « Toute la loi de Dieu atteint sa perfection dans un seul commandement, nous a dit S. Paul, et le voici : tu aimeras ton prochain comme toi-même. » L’Esprit-Saint répandu par le Christ veut nous libérer des égoïsmes et des valeurs trompeuses. Cette liberté, il ne la donne pas autrement qu’en consacrant des hommes et des femmes à Dieu. Ceux qui ressemblent au Christ Jésus, dans la foi en lui, pourront alors aimer librement, hors des chaînes de l’égoïsme et de l’oubli d’autrui.

Ce temps de l’été donnera à beaucoup d’entre nous un peu de répit pour reprendre souffle, pour soigner les relations de famille et les amitiés. Pour d’autres, ce sera peut-être un temps de solitude. Mais tous sont appelés à saisir ce temps pour se tourner vers le Christ et recevoir de lui la plus profonde liberté : celle d’exister pour Dieu, celle de vivre avec le Christ pour aimer comme il a aimé, sans regarder en arrière mais en regardant Dieu, devant nous, qui nous appelle à lui.

 

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